A propos de “L'enfant et la féminité de sa mère. Sous la
direction d'Elisabeth Leclerc-Ravazet, Georges Haberberg et Domnique
Wintrebert. Avec la collaboration de Maryvonne Blouët-Bricoteaux et
Laurent Dupont. Préface de François Ansermet”. L'Harmattan,
Paris, 2015. Paris, Hôpital Sainte-Anne, 21 mai 2016.
Clinique
familière
Dans le cadre de notre matinée de travail, il me revient la tache de
vous présenter l’ouvrage de nos amis, L’enfant et la féminité
de sa mère. Ce texte est le résultat d’un travail collectif
produit lors d'un séminaire de psychanalyse avec les enfants, à
partir de cas cliniques éclairés par des questionnements
théoriques.
En premier lieu, le psychiatre d’adultes que je suis veut remercier
les auteurs pour tout ce que nous apprend ce livre pour notre propre
pratique. Bien sûr, nous avons avons à traiter avec les mêmes
questions cliniques produites au sein de la famille humaine,
que ce soit à d’âges différentes de la vie, ou aux différents
personnages de la même comédie humaine, si nous paraphrasons
Balzac. Il est fréquent que les problématiques motivant la
consultation des adultes tourne aussi autour de la procréation, ou
l’éducation, évoquant une clinique familière avec celle
présentée dans l’ouvrage.
Même si de nos jours on assiste à une nouvelle phase de
transformation de la “famille conjugale”, au gré des
transformations techniques, économiques et sociétales
contemporaines, comme le souligne François Ansermet dans sa préface.
J’emprunte ici le terme “famille conjugale” tel qu’il est
utilisé dans l’ouvrage de Frierdrich Engels, en son temps
novateur, Les origines de la famille, de la propriété privée et
de l’état, car c’est la forme par lequelle se termine sa
tentative d’historiser ce noeud entre l’économie, séxualité et
reproduction. Celle qu’on pourrait nommer la “famille
bio-technologique” est-elle en train de prendre sa place ? C’est
peut-être encore trop tôt pour le dire, et ce n’est pas l’objet
de nos propos aujourd’hui. Rapelons que ce livre figure parmi les
références bibliographiques de l’article de Jacques Lacan, Les
Complexes familiaux, pour ce qui concerne la partie de
définitions sociologiques, et sur lequel nous allons nous appuyer
pour suivre en contrepoint notre présentation du livre de ce matin.
Revenons donc à l’ouvrage. J’ai remercié les auteurs pour le
plaisir de lire, mais je dirais encore mieux, de travailler sa
lecture, et deux fois plus qu’une, sur ce texte. Une première fois
pour écrire un bref compte rendu pour la rubrique d’Analyse de
livres de la revue L’information psychiatrique, donc pour
des lecteurs supposés ne pas avoir lu le livre. Croyant m’être
bien tiré d’affaire du difficile exercice, me voilà pourtant
sollicité une deuxième fois pour le présenter à un auditoire en
partie supposée ne pas avoir lu le livre, en partie l’ayant lu, et
en partie l’ayant écrit. Autrement plus compliqué... Nous sommes
devant un ouvrage très original sur la forme, en même temps que
classique sur le fond, ave Freud, Lacan et Miller comme références
centrales. Un classisisme original, donc. Permettez moi à mon tour
quelques originalités pour tenter de vous le présenter.
Théorie et pratique
Commençons par quelques commentaires généraux. Les auteurs,
d'orientation lacanienne, sont en même temps de praticiens qui, en
tant que tels, présentent dans l’ouvrage tout autant leur théorie
de la pratique que leur pratique de la théorie. Si nous avons
recours à des notions un peu surannées, c'est pour souligner
l'ancrage de ce travail, qui se réclame de la recherche, dans la
praxis d'une demande concrète de soins - autant que de la
réponse à donner à cette demande -, et qui est différente du
laboratoire, de l'ordinateur ou du microscope : la pratique du
terrain. Ce lieu où chacun se confronte à ce qui est différent,
inattendu, compliqué, singulier, et dont le récit clinique lui
donne sa forme communicable et partageable, aussi bien qu'ouverte à
la critique.
Dans son dernier ouvrage, qui porte pour titre Que faire ?, le
philosophe français Jean-Luc Nancy rapelle l’importance de la
dialectique entre théorie et praxis. Il cite les propos du
philosophe allemand de l’Ecole de Francfort Théodor Adorno, pour
qui il existe une hétérogénéité entre théorie et
pratique : “Le dogme de l’unité de la théorie et la praxis,
contrairement à la doctrine dont il se réclame, est
non-dialectique. Il insinue une simple identité là ou seule la
contradiction a chance d’être fructueuse”. La contradiction dont
il est question ici, selon Jean-Luc Nancy, est “contradiction entre
les natures et les portées de deux registres et elle implique que
chacun agit sur l’autre pour l’empêcher, au fond, de n’être
que ce qu’il est, vue de l’esprit ou impatience agitée”. Voici
ce à quoi la patiente “construction du cas” de nos auteurs
pourrait venir répondre.
Cercle Herméneutique
Né donc d'une méthodologie originale orientée vers « la
construction de cas », le livre débouche sur une mise en narration
à plusieurs voix et plusieurs niveaux d'analyse, qui part du sol
concret de la clinique dans des contextes divers - pratique publique
institutionnelle ou pratique privée -, pour aller vers des notions
classiques de la psychanalyse. L’expression “ouvrage collectif”
utilisé par les auteurs, me semble-t-elle un peu à l’étroit, en
tout cas dans son aception la plus habituelle. Plus que l’écriture
d’un ouvrage collectif, il me paraît plus approprié d’évoquer
une écriture collective de l’ouvrage. Puisque les
“plusieurs voix” que nous évoquons, se parlent, se répondent,
s’encouragent, parfois se contestent, un peu comme dans les films
du réalisateur américain Terrence Malick (peut être vous avez en
tête ses films “L’arbre de la vie”, “Le Nouveau monde”, ou
les plus anciens “Ballade sauvage” ou les “Moissons du ciel”),
ce qui donne une unité narrative complexe au texte.
A tel point qu’il me semble possible de parler d’herméneutique,
d’un véritable cercle herméneutique, dans le sens que
donnent à ce terme les théologiens et philosophes allemands
Friedrich Schleiermacher ou Wilhelm Dilthey. Un travail de
circularité interprétative, dont le premier cercle consiste en ce
que l’interprétation des parties du texte engage la compréhension
du tout, de la même manière que l’interprétation de l’esprit
suppose l’interprétation de la lettre. Ainsi, dans le livre, pour
chaque chapitre, la problématique est ouverte par un repérage
théorique, des “points de repère”, fait par l’une des voix.
Puis, vient la présentation de la vignette clinique dans la voix du
praticien, qui à son tour est suivie du commentaire fait par une
troisième voix. Enfin, nous trouvons à chaque chapitre une
“ponctuation”, qui est une sorte de voix off, plus distancée.
La Madone au serpent
Rentrons donc dans la matière de l’ouvrage. Je vais tenter de
poursuivre mon parcours dans l’ouvrage à l’aide de quelques
“tableaux cliniques”. A commencer par celui qui fait la
couverture du livre, car il n’pas été choisi au hasard. Il s’agit
de “La Madone des palefreniers”, ou “Madone au serpent” de
Caravagge (1606), qui se trouve actuellement à la gallerie Borghèse (Note 1)
à Rome.
Note 1 C’est aussi à la galerie Borghèse que Lacan découvre de
manière inattendue, à côté de l’assenceur, un tableau qui a
retenue son attention, Psiche sorprende Amore, de Jacopo del
Zucchi. Il le commente en détail dans le Séminaire sur Le
Transfert. C’est la raison pour laquelle nous avons choisi de
rester dans cette même galerie pour nos “Tableaux cliniques”.
La composition de ce tableau aborde un problème
théologique. Il semble qu'on demande à Caravagge de traduire le
passage de la Genèse où Dieu dit au serpent : “Je mettrai une
inimitié entre toi et la femme, entre sa race et la tienne, et elle
t'écrasera la tête”. Ce passage donne lieu à des controverses
entre catholiques et protestants, peu enclins à considérer que
Marie un rôle dans l’affaire. “Qui écrase le serpent
(symbolisant le Mal), la Vierge (ipsa), ou Jésus enfant (ipse) ?”
Pour d’autres commentateurs, le tableau est considéré comme
scandaleux en raison de la nudité choisie par le peintre pour un
enfant trop grand , ainsi qu’en raison du décolleté trop profond
de la Vierge, ou pour son soi-disant manque de decorum. Il est
remarquable aussi l’atittude de sagesse de Sainte-Anne, qui n’est
autre que la grand-mère, comme pour rapeller qu’il s’agit
toujours d’une affaire impliquant plusieurs générations.
Jean de Carthagène, théologien de la fin du xvie siècle, résume
la controverse doctrinale : “II y a une lutte engagée entre la
femme et le serpent, et c'est la femme qui en triomphe, mais elle en
triomphe par son fils”. Cette interprétation a pour elle
l'autorité du pape, car quelques temps auparavant, Pie V, s'exprime
ainsi : “La Vierge a écrasé la tête du serpent à l'aide de
celui qu'elle a enfanté”. Donc, selon l'Église catholique, le
serpent est écrasé à la fois par la Vierge et par son fils. C’est
la raison pourquoi, dans le tableau du Caravage, l'enfant met le pied
sur le pied de sa mère pour l'aider à écraser le serpent. Loin
d'être une fantaisie de l'artiste, cela exprime une pensée de
l'Église. Le tableau du Caravage est donc un tableau théologique
qui devient désormais lacanien grace au livre de nos amis ! Avec ce
tableau clinique nous allons aborder les trois premiers chapitres de
l’ouvrage qui portent comme titre : L’enigme du désir de la
mère, Le phallus et son au delà, Jouissances de
mères.
Ils comportent cinq cas
cliniques, trois filles et deux garçons. Il est cocasse que le
premier cas d’un livre sur la psychanalyse avec les enfants, soit
plutôt celui d’une femme adulte, le cas d’Ariane. Cela ne fait
que souligner le continuum clinique dont je parlais plus haut.
Remarquons que même si l’on note, en général, chez les auteurs
des vignettes cliniques un souci de ne pas évoquer un diagnostic
caractérisé, la problématique de la névrose circule en arrière
plan : une problématique de ravage maternel pour le cas d’Ariane,
la jeune adulte ; des difficultés de séparation pour
Annabelle, une fille de quatre ans. Le cas d’Alain, cinq ans, sera
abordé plus tard dans notre matinée, par Dominique Wintrebert.
Ensuite, le cas de Léa, six ans, atteinte d’énurésie, à propos
de qui on évoque la question de l’amour. Le cas Benoit finit la
séquence un peu en marge à la série ; il s’agit d’un
garçon de seize ans, dont la problématique semble pencher plutôt
pour des signes psychotiques, cerné par une série de femmes
persécutrices.
Quel panorama théorique se
trouve en dialectique avec ces cas ? Les auteurs reprennent une
question qu’ils considèrent fondamentale : savoir comment
l’enfant s’inscrit dans la relation de la femme à son manque :
métaphore ou métonymie ? Car, la proposition qui guide la
séquence est que : « Dans l’inconscient, c’est la
mère qui domine ».
La plainte de Cupidon a Vénus
Passons au tableau clinique
suivant de la galerie Borghèse, pour arrondir cette première partie
de notre commentaire du livre : La plainte de Cupidon à
Venus, de Lucas Cranach l’Ancien (1531). L’iconographie de
Cupidon et les abeilles est basée sur un célèbre récit
mythologique qui relate comment Cupidon est piqué par un essaim
d’abeilles alors qu’il s’apprête à dérober un rayon de miel;
sa mère, Vénus, auprès de qui le jeune enfant va se plaindre, le
réprimande en lui affirmant que ses flèches causent des blessures
bien autrement profondes et pénibles.
Alors, si on prend ici la
contrepoint des Complexes familiaux, cette séquence vient
évoquer pour l’enfant un temps de déchirement de son Umwelt.
Il s’agit d’une terminologie en provenance des travaux du
naturaliste et biologiste allemand Jacob Von Uexküll, dont le plus
célèbre est son étude sur la tique et son monde. Unwelt
signifie donc l’environnement du monde propre. Lacan introduit ici
la fonction de l'Imago, qui joue un role essentiel dans le complexe.
Le premier complexe établi par Lacan est le complexe de sévrage.
Il s’agit pour l’enfant donc, d’une crise dont il lui faudra
assumer les conséquences.
Citons maintenant les auteurs de
notre livre :
- « Pour l’enfant, c’est
une position qui devrait être la norme, d’être à sa naissance,
au regard de ses parents, le bien le plus précieux. Position qui met
l’enfant en position d’être le phallus »
- « Il y a pour le sujet un
premier temps, qu’on pourrait dire structural, de méconnaissance
de la castration de la mère. Il implique donc un deuxième temps de
révélation »
- « La féminité de la
mère se présente toujours sous la figure de l’irruption »
- « Que la mère désire
ailleurs, c’est à la fois apaisant et structurant parque que
l’enfant ne vient pas saturer son manque, mais c’est aussi
traumatique ».
Amour sacré et l’amour
profane
Passons au tableau clinique
suivant, L’Amour sacré et l’amour profane de Tizien. A
son sujet, l’historien de l’art allemand Erwin Panofsky évoque
les représentations de l'amour courantes dans la philosophie
humaniste à l'époque du Titien et il trouve dans les écrits de
Marcel Ficin l'idée de deux Vénus, des jumelles personnifiant,
l'une, la beauté éternelle, inaccessible, l'autre, la beauté
visible et périssable. Dans son tableau, Tizien fournit les deux
personnages de différents attributs : la flamme, dans la main droite
de la jeune femme nue, et le somptueux costume profane de la seconde.
Permettez moi de me risquer à rapprocher ce tableau de la célèbre
réplique du film La mariée était en noir de François
Truffaut : "N’oubliez pas ce que disent les italiens... toutes
les femmes sont des putains, sauf ma mère qui est une sainte !",
et ceci pour aborder le chapitre intitulé Maternité-feminité.
Il comporte trois cas cliniques, deux garçons et une fille.
La première vignette clinique
porte le nom de Caïn, un sujet qui consulte à l’âge de
vingt-quatre ans à la suite d’un série de déceptions amoureuses,
et qui éprouve les plus grandes difficultés à rencontrer une
femme. A l’âge de cinq ans, sa mère devient en fait la mère d’un
autre, ce qui le plonge dans ce que le praticien évoque, déjà à
ce moment, comme une dépression authentique. Ensuite, la vignette
d’Omar, un garçon de plus en plus agité à l’approche de la
naissance d’un deuxième enfant de sa mère. C’est un versant
particulier de la problématique, car le déchirement de son Umwelt à
la naissance d’un puiné se voit compliqué par le fait qu’il
ferait face à une mère qui est “toute mère”, non divisé par
son désir en tant que femme. Enfin, le cas de Prune, petite fille de
six ans, qui souffre d’inhibition. Née sous X, elle est ensuite
adoptée à l’âge de six mois, et compte avec un petit frère,
adopté lui aussi, quatre ans plus jeune qu’elle. Le praticien
évoque la difficulté d’une femme, mère adoptive, à subjectiver
sa stérilité. Au point que Prune dit à sa mère “vouloir rentrer
dans son ventre”.
Citons les auteurs à propos de
cette problématique :
- “La maternité est une des
occurrences de la rencontre avec la féminité de la mère”
- “L’importance décisive
qu’à pour tout sujet l’irruption d’une grossesse de la mère”
- “L’arrivée d’un enfant -
adopté ou pas – est contingente de la relation entre un homme et
une femme. Celle-ci conditionne la capacité d’accueillir avec
justesse les besoin de l’enfant qui s’y procrée”.
Dans notre contrepoint avec
les Complexes familiaux, notons que Lacan situe le complexe
d’intrusion comme faisant suite à celui du sévrage.
Danaé et le rapport sexuel
Poursuivons notre visite à la
galerie Borghèse. Face à la Vénus de Cranach, au dessus du manteau
de la cheminée, se trouve un tableau de Corrège, représentant
Danaé fécondée par Jupiter, qui reprend le récit des
Métamorphoses d’Ovide. Corrège représente Danaé gisant
dans son lit alors qu’un Cupidon préadolescent lui découvre le
sexe pendant que la pluie d’or fécondante de Jupiter tombe des
nuages... Au pied du lit, deux chérubins jouent avec des flèches.
Comme il est dit dans le livre, « l’enfant scrute chez les
parents le rapport sexuel qu’il n’y a pas ».
Avec ce
nouveau tableau clinique, avançons donc avec le chapitre 5 de
l’ouvrage, qui comporte comme titre, L'enfant et le rapport
sexuel des parents. Les auteurs introduisent ici la
notion de jouissance, par le biais de la satisfaction auto-érotique.
Cette satisfaction est celle que le langage des Complexes
familiaux désigne avec le terme d’Innenwelt : le
monde intérieur, des sensations du corps, en somme, de l’organisme.
Car, comme le dit Lacan, pour l’enfant il va s’agir « d’établir
une relation de l’organisme à sa réalité, – ou, comme on dit,
de l’Innenwelt à l’Umwelt ». Et il nous indique que chez
l’humain quelque chose ne tourne pas rond, car « la rupture
du cercle de l’Innenwelt à l’Umwelt engendre-t-elle la
quadrature inépuisable des récolements du moi. » Bienvenus
donc au complexe d’Oedipe !
Ce chapitre présente deux cas
cliniques, un garçon et une fille. Mehdi, un garçon de cinq ans qui
est perdu en classe et qui ne comprend pas les consignes ; Eve,
âgée de 6 ans, qui affole son entourage en réveillant tout le
monde, toutes les nuits, préocuppée pour savoir qui couche avec qui
(au fond, « la question universelle de tous les potins »,
selon le praticien).
L’ouvrage nous approche ici de
l'onde de choc créatrice de formes de vie, parfois très
pathologiques, qui circule entre l'enfant en prise avec sa jouissance
autoérotique, et la mère en prise avec sa jouissance de femme. Sa
division à lui, sa division à elle. A la suite d’un limpide
commentaire des Trois essais sur la séxualité de Freud, les
auteurs affirment que :
- « Lacan, après avoir
formalisé l’Oedipe freudien avec les outils du structuralisme, va
le simplifier pour en faire une dialectique entre la jouissance du
sujet et l’Autre du langage » et
- « l’enfant, pervers
sexuel polymorphe, s’arrange pour conserver sa fixation de
jouissance au prix d’une déchirure dans le moi [l’assumant sous
la forme d’un symptôme morbide] quand il lui est demandé de
renoncer à cette jouissance ».
- L’enjeu est ici « que
la personne qui prend soin de l’enfant n’en fasse pas son objet
de jouissance, reste l’élément décisif ».
Les
formules de la sexuation et l’autre jouissance
Permettez-moi
d’être bref avec les deux derniers chapitres de l’ouvrage,
L'enfant, la mère et le phallus et L'enfant et le pas-tout
phallique. A la galerie Borghèse, une sculpture vient prendre la
place du tableau, car dans le livre les choses prennent un autre
corps. Hermaphrodite endormi est une oeuvre qui fascine
par l'ambivalence et les courbes voluptueuses du personage
lascivement endormi sur le matelas sculpté par le Bernin au XVIIe
siècle. Uni au corps de la nymphe Salmacis, dont il repousse les
avances, le fils d'Hermès et d'Aphrodite est représenté comme un
être bisexué.
Ici,
nous fait défaut l’accompagnement que nous avons pris avec vieux
texte de Lacan, les Complexes familiaux, datant de 1938...
Nous arrivons à ce que les auteurs nous indiquent comme « un
au-delà de l’Oedipe », « une jouissance réduite
à l’événement de corps », selon les auteurs. Cette partie
du texte nous introduit aux dernières avancées de Lacan dans les
années ’70 : les formules de la sexuation et l’Autre
jouissance, pas-toute phallique, dite aussi jouissance féminine.
Ainsi,
presque sans surprise, les quatre cas de cette dernière partie ce
sont des filles... Rose, petite fille de deux ans et demin qui tape
sa mère ; Mia, âgée de treize ans qui se plaint du fait que
« Maman n’est pas une mère, c’est une femme normale »,
alors que « Papa est une femme célibataire avec trois
enfants » ; Pétunia, six ans, pour qui de génération en
génération il n’est pas facile de se ranger côté fille ;
Faline, sept ans, obsédée par la compulsion à « voir le zizi
des garçons dans les toilettes ».
Nous constatons que ces deux
dernièrs chapitres manquent de la ponctuation à laquelle
nous ont habitués les précédents. Sans doute que la séquence est
porteuse de ses propre difficultés. Pour terminer, je vous fais part
d’une certaine surprise à la lecture d’un phrase qui nous dit :
« Un cas n’est pas un récit, il est affaire de logique ».
Ce livre, si richement narratif, chargé de l’imaginaire des cas,
n’est pas, en quelque sorte, en contradiction avec la phrase ?
La richesse de la clinique exposée, ne nécessite pas au moins
autant de la littéralisation comme de la mathématisation,
en reprenant ces termes de Jean-Claude Milner ? N’est-il pas
fructueux, comme le suggère Adorno, de garder la contradiction entre
théorie et pratique, comme votre livre nous le montre avec autant de
brio ? Nous laissons la question pour le débat. Merci encore
aux auteurs pour ce livre.
BIBLIOGRAPHIE
Sybille
Ebert-Schifferer, Caravage, Hazan, 2009.
Friedrich
Engels, L'Origine de la famille, de la propriété privée et de
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François
Truffaut, auteur de films : 1932-1984, Robert Ingram/Paul
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Jacques
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Jean-Claude
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Mâle, Signification d’un tableau du Caravagge, in Mélanges
d'archéologie et d'histoire, tome 47, 1930. pp. 1-6.
Jean-Luc
Nancy, Que faire ?, Galilée, 2016.
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