LE CAPITALISTE FOU
Eduardo T. Mahieu. Avril 2006

 
 
"Mais, tandis que [le thésauriseur] n’est qu’un capitaliste [fou] (maniaque), le capitaliste est un thésauriseur rationnel" (p. 119). Karl Marx, Le Capital, Livre premier, première section; La marchandise et la monnaie, Chapitre IV : La formule générale du capital, Champs Flammarion, 1985.


Cette boutade de Karl Marx peut s'avérer fort éclairante lorsque l'on rencontre à l'hôpital un de ces personnages décrits à merveille par Rogues de Fursac ou Ernest Dupré. Dans son travail de 1925 sur "Les mendiants thésauriseurs" (6), E. Dupré évoque sa surprise devant "l'association paradoxale de la misère et de la richesse" (6, p. 441) dont certains sujets font preuve. Il va jusqu'à penser qu'il s'agit d'une "anomalie monstrueuse de l'instinct même de la persévération dans la vie" (6, p. 444), mais pour y déceler un reste de raison il préfère la chercher chez Plaute ou Molière, Balzac ou Gogol, certain qu'il est que "les moralistes et les littérateurs" (6, p. 444) ont étudié cette figure bien mieux que les médecins. Plus tard, dans les années 1960-1970, les services d'hygiène britanniques et ses psychiatres s'en remettent plutôt à la raison cynique de Diogène pour nommer leur gêne devant un problème coriace et qui ne relève plus tellement de la morale mais de l'hygiène sociale : la syllogomanie (1). La folie et la raison sont dans le coup dans un problème qui déborde le seul champ du psychiatre. De "l'évangile du renoncement" (13, p. 108) de K. Marx au "collectionnisme mystique et systématique"(2) de E. Dupré, une même énigme, un même fétiche se trouve à l'œuvre. C'est l'énigme d'un objet très particulier qui détermine toujours un peu plus l'activité humaine : l'objet-marchandise et sa jouissance. "L'absolutisation du marché" (11, p. 37), dit Jacques Lacan, est probablement la condition pour que d'un tel objet on puisse dire quelque chose. Cela ne va pas sans produire un certain effet d'aliénation, mais dont les conséquences seront bien différentes selon les solutions que l'on y trouve. Et il peu bien résulter une folie de toute l'affaire.

MR S. ET SON TRESOR

Si nous prenons au sérieux l'humour de K. Marx, sa citation laisse ouverte deux autres combinaisons possibles de ses termes : celle du thésauriseur fou et celle du capitaliste rationnel. Nous verrons de quelle manière cela peut éclairer le champ clinique et la problématique du patient que nous présentons ici.

Mr S. séjourne dans les institutions psychiatriques depuis presque vingt ans, et de manière continue depuis une dizaine d'années. Né en 1947, il approche la soixantaine et son actualité défie tout bon sens : il est un fou riche qui vit misérablement. Il possède quelques propriétés, une bonne pension, mais il ne peut pas quitter l'hôpital malgré des très nombreuses tentatives faites dans ce sens car il est incapable de se gérer lui-même. Mais surtout, il a de très mauvais rapports avec les autres : il a la réputation de voler "tout ce qui lui passe sous la main", s'accapare de nombreux objets et il montre une importante violence lorsque ces objets lui sont pris, que ce soit par des soignants ou par d'autres patients. Autant dire qu'il n'est pas un personnage qui inspire la sympathie et que les transactions avec les autres sont pour le moins turbulentes. "Dépressif", "paranoïaque", "dément", sont quelques uns des diagnostics qui jalonnent son parcours psychiatrique. Saisis par la même surprise que E. Dupré, nous nous demandons comment est-ce que cet "ancien ingénieur de Ponts et Chaussées" (comme figure dans le dossier) est devenu ce qu'il est aujourd'hui?

Essayons de retracer brièvement son histoire, car peu sont les choses qu'on connaît de lui, au-delà de quelques éléments qu'il livre avec avarice. Son enfance, passée à l'étranger, est marquée par des changements répétés de pays au gré du parcours de la vie professionnelle de son père. Il a un frère aîné, et a perdu une sœur très jeune. Le divorce de ses parents a été mal vécu par lui et puis il perd sa mère à l'âge de 14 ans. Mr S. vit avec son père et il va loin dans ses études, mais il "rate de peu" le diplôme de Pont et Chaussées ("de quelques points"). Il se lance dans la vie professionnelle comme "ingénieur d'affaires" occupant la place de directeur adjoint d'une société de gestion d'immeubles de bureaux.

Nous arrivons au moment où tout bascule : en 1984 la société fait faillite et Mr S. se retrouve au chômage. Peu avant (ou peu après, peu importe), Mr S. se met à boire de manière excessive, chute, et il est hospitalisé en psychiatrie pour la première fois pour "dépression". Très vite, les mêmes événements se répètent entraînant des conséquences définitives : l'alcoolisation entraîne encore des chutes, multipliant les traumatismes crâniens qui laissent des lésions cérébrales(3). A partir de ce moment, les hospitalisations se suivent et se ressemblent. Dans un compte rendu datant de cette époque lors d'un passage par un service de neurologie, nous trouvons déjà pointé un comportement qui reste intact vingt ans après et qui détermine pour l'essentiel sa vie sociale. Les neurologues signalent : "en raison de rituels obsessionnels et d'une tendance au collectionnisme, son appartement est envahi par une foule d'objets, bouteilles vides, périmées, d'objets de peu de valeur" (4). En 1988, intervient une hospitalisation en psychiatrie longue de 7 ans et qui marquera la fin de toute idée de reprise d'activité professionnelle. Son père devient son tuteur. Ici, nous pouvons faire un bond en avant sans retracer dans le détail le parcours chaotique subi par le patient, marqué par une circulation incessante entre diverses institutions (des maisons de post-cure à l'étranger, maisons de repos et maisons de retraite), pour retourner à chaque fois à l'hôpital psychiatrique.

Dans l'institution, Mr S. présente un symptôme qui s'avère bien encombrant. Les indications que E. Dupré donne dans son travail correspondent parfaitement au problème de notre patient : "On découvre l'existence d'un trésor, [...] plus ou moins soigneusement dissimulée dans une cachette : fond de placard, lame de grabat, doublures de vêtement" (6, p. 432). Dans le placard de Mr S. les soignants dévoilent son trésor :
 

des dizaines de mégots fumés, des centaines de cigarettes, des brosses à dents, quarante tubes de dentifrice, quatre cents serviettes de papier, des gobelets en plastique, plusieurs bouteilles de shampooing, huit savonnettes, quatre-vingt couverts, de la nourriture, etc.


C'est, à l'occasion, ce qu'on peut trouver non seulement dans son placard, mais aussi sous son lit, ou encore entre ses draps. Nous notons que K. Marx évoque dans le même texte cité plus haut que "Le penchant à thésauriser n'a, de sa nature, ni règle ni mesure" (13, p. 108) et, en effet, le bon sens indique dans l'inventaire de Mr S. que quelque chose est déréglée. Et ce cumul pose un problème sérieux : assez régulièrement, c'est le fait de la disparition des couverts ou de serviettes en papier qui perturbent profondément le fonctionnement du service et qui déclenche la "chasse au trésor" dans le placard de Mr S., entraînant à son tour des violentes représailles de sa part. Se pose alors une question d'ordre pratique : que faire? Et puis, liée à cette même question, quelle est cette mystérieuse nature dont parle K. Marx et comment se présente-t-elle dans nos sociétés? Et encore, pourquoi est-ce que cela se fait jour de manière si baroque chez Mr S.?

L'OBJET ET LE FETICHE

C'est encore une fois le génie clinique de E. Dupré qui nous donne quelques pistes à suivre pour avancer un peu dans notre cas : "la tendance à collectionner, non seulement les pièces de monnaie, mais de multiples objets dépourvus de toute utilité et de toute valeur" (6, p. 441). Il touche au cœur de la question : des objets et des valeurs. C'est la même remarque que celle faite par les neurologues de Mr S. Mais, qu'en est-il exactement de ce "peu de valeur" qui manque autant aux objets de ce patient? La question ne paraît pas avoir une réponse si simple, comme le sens commun pourrait nous le faire penser. La réflexion de Giorgio Agamben nous aide à mieux comprendre les propos de E. Dupré et le comportement de Mr S. Pour lui, le dédoublement du produit du travail entre utilité et valeur constitue son caractère fétiche, et "lui fait tourner vers l'homme tantôt une face, tantôt l'autre, sans qu'il soit jamais possible d'apercevoir les deux en même temps" (1, p. 74). C'est dire que l'objet présente en lui-même une contradiction : un aspect du mystère réside donc dans le fait qu'il n'y a pas de rapport entre sa valeur d'usage et cette autre valeur qui est la valeur d'échange.

Pour hétéroclite que soit le trésor de notre patient, nous sommes frappés par le fait qu'il s'agisse d'objets dits de consommation, de marchandises. Mais alors que notre patient ne rit jamais et cumule tristement, quelque chose que remarque Lacan fait rire le capitaliste : de la dialectique entre la valeur d'usage et la valeur d'échange de l'objet - une fois qu'est intervenue une troisième marchandise qui se vend aussi sur le marché, la force de travail -, se dégage un objet de jouissance étrange : la plus-value, un objet qui présente lui aussi la contradiction d'être une abstraction réelle. Ici, Lacan fait la jonction avec des aspects subjectifs qui nous sont plus familiers : cette plus-value est de la même étoffe que le plus-de-jouir, et leur rapport tourne autour d'un objet aussi évanescent : l'objet a (11, p. 45). Nous voilà devant des objets bien difficiles d'appréhender. Et ce d'autant plus qu'on nous dit que la condition pour que cet objet se produise est celle d'une circulation incessante. Nous remarquons simplement que c'est le contraire que fait notre patient avec ses objets (5), et que là quelque chose ne tourne pas rond.

Alors, si suivant G. Agamben, l'un des aspects du caractère fétiche de la marchandise est constitué par cette contradiction entre sa valeur d'échange et sa valeur d'usage qui empêche de saisir les deux faces en même temps, nous pouvons commencer à saisir à quel niveau peut se situer une partie de la folie de notre thésauriseur : en plus d'arrêter toute circulation, il s'attache passionnellement à une seule de ses faces. Ainsi, il apparaît que la remarque des neurologues concernant le peu de valeur des objets que "collectionne" Mr S. n'est valable qu'en ce qui concerne leur valeur d'échange. Par exemple, les gobelets et les bouteilles en plastique de notre patient, ne perdent leur valeur d'usage qu'avec l'usure de la matière, et Mr S., qui remplit autant de fois qu'il veut sa bouteille avec de l'eau du robinet, la remplace de manière régulière et raisonnable par une autre pour éviter justement cette usure. C'est pour cela qu'il les stocke : pour leur valeur d'usage. Naît alors le soupçon que cette folie n'est peut-être pas une anomalie monstrueuse selon le jugement d'E. Dupré, mais plutôt une tentative obstinée de résoudre la contradiction antagonique que nous venons de relever dans l'objet.

Poursuivons notre tentative d'éclaircir la problématique de Mr S. Nous pensons qu'il est peu probable que beaucoup de personnes croient que la valeur des marchandises made in China - qui inondent et encombrent le monde un peu comme notre patient - soit directement liée à leur valeur d'usage. S'il y en a tellement, c'est que la circulation de ces marchandises génère un équivalent universel de la valeur : l'argent. Et la circulation de cette marchandise produit le paradoxe propre du capitalisme : la marchandise ne devient qu'un médium pour produire cet autre objet abstrait, la plus-value. C'est en empruntant et investissant qu'elle grandit, et que l'argent se transforme en capital. La monnaie elle-même présente la même contradiction que nous avons noté auparavant : la matière physique du papier monnaie se métamorphose en simple porteuse de sa valeur sociale. Si comme le note E. Dupré, "L'avarice [est] toujours une passion solitaire" (6, p. 441), la valeur dont nous parlons ici n'est pas solipsiste, mais sociale. Avec cette marchandise plus abstraite, les choses se compliquent un peu pour Mr S. Nous retrouvons son même attachement pour les aspects le plus concrets de l'objet : il plie, conserve soigneusement et cumule les billets de banque, ébloui qu'il est par l'insigne qu'ils portent. Alors que ses papiers "sont presque toujours sales, graisseux, usés par les frottements, déchirés au niveau des plis, souvent cousus entre eux" (6, p. 432), Mr S. évite soigneusement toute usure de ses billets. Il méconnaît ainsi que cette insigne dépend d'un ordre social, d'un ordre symbolique soutenu par une autorité symbolique (en l'occurrence la Banque Centrale) (17), et ce faisant il traite les signes comme des choses. A certaines occasions, il récupère des cartes téléphoniques portant un chiffre dans leur surface et il épuise toutes les possibilités d'en extraire quelque valeur avant de se rendre à l'évidence qu'elles sont peut-être vides malgré le signe. Avec de tels objets et en dépit de toute sa rigueur, sa tentative de résoudre la contradiction échoue de manière évidente. Mais, encore une fois, il nous laisse l'impression qu'il n'est pas très loin d'un fonctionnement généralisé.

ECONOMIE, ECONOMIE!(6)

Cette adresse de Hamlet à Horatio - qui sut retenir l'attention de J. Lacan (10) -, nous rappelle de quel mode ce phénomène génère la plus élémentaire stratégie de marketing : derrière les promotions dans nos grandes surfaces il est aisé de capter le message : "Achetez ceci, dépensez plus, et vous allez faire des économies!". Il arrive que ces messages soient matérialisés dans de tubes de dentifrice qui vous offrent "15% gratuit", pratique tellement généralisée, que "le juste prix" devient de plus en plus un prix discount. "Je fais des économies" est le leitmotiv de Mr S. lorsqu'on l'interroge sur son activité. Et ici, nous voyons l'objet lui tourner perfidement son autre face et le prendre une nouvelle fois à son jeu. La logique d'attachement à la valeur d'usage constatée plus haut pour ses bouteilles vides s'inverse dans les tubes de dentifrice : cette fois ce n'est plus la valeur d'usage des 40 tubes de dentifrice qui sont souvent récupérés dans son trésor (et ce d'autant plus qu'il n'en est pas un usager assidu), mais l'idée de cumuler la jouissance d'une marchandise gratuite fournie par l'hôpital. Il y a de l'idée, mais elle se porte sur une marchandise dont la valeur d'échange est proprement nulle. Mr S. se comporte comme celui qui réclamerait qu'on ne lui donne que le 15% gratuit proposé dans la promotion du dentifrice (ce qui est par ailleurs la tentation avouée du philosophe Slavoj Zizek de qui nous prenons inspiration dans cet exemple (15, pp. 39-44)). Ici, le fourvoiement est plus lourd de conséquences, car "En évident contraste avec la matérialité du corps de la marchandise, il n'y a pas un seul atome de matière qui pénètre sa valeur" d'échange (K. Marx, dans la citation de Agamben, 1, p. 74). Mr S. méconnaît l'Autre du marché, cette autre scène où dansent les valeurs d'échange, ce qui rend inconsistant son comportement (7). C'est toute entière dans le lien social que se constitue cette valeur qui fait tant défaut aux objets de Mr S. Et à cause de cette petite différence, se produit le paradoxe qu'en faisant comme tout le monde, les résultats de Mr S. soient proprement baroques.


DE LA NON-IDENTITE

Disons que ce repli du lien social est considéré depuis longtemps, et même aujourd'hui, comme une des difficultés majeures des psychoses. Mais nous voulons signaler ici un autre aspect clinique de la même difficulté. Ce sont encore les précisions cliniques de E. Dupré qui nous permettront de les préciser : "Par suite de l'aberration délirante de l'instinct d'épargne, le trésor qu'il possède et ne cesse d'accroître est devenu, non seulement partie intégrante, mais partie principale de son individu" (6, p. 440). Que ce soit du délire, nous l'accordons volontiers, mais cela semble loin d'être aberrant. Là où E. Dupré voit juste est lorsqu'il pose le problème en termes de parties et totalité. Partons de la définition que donne J. Lacan de la Selbstbewusstsein comme "quelque chose qui se satisfait d'être identique à soi-même" (11, p. 21). Par contre, dès que la circulation du signifiant ou des valeurs intervient, le sujet du signifiant ou le sujet du capitalisme ne peuvent se rejoindre dans son représentant sans que se produise une perte dans leur identité, que J. Lacan nomme objet a. "Non identique désormais à lui-même, le sujet ne jouit plus" (11, p. 21). Ce fait se trouve calqué, poursuit Lacan, sur la réalité économique analysée par K. Marx : le sujet de la valeur d'échange est représenté auprès de la valeur d'usage, et c'est dans cette faille que choit la plus-value. Et si le sujet psychotique est celui qui a l'objet a dans sa poche, notre thésauriseur ne le prend pas à la rigolade : il se promène sans gène avec des faux airs du bonhomme de Michelin, arrondi et gonflé par des quantités invraisemblables de paquets de cigarettes vides, serviettes en papier, dizaines de briquets, et bien d'autres marchandises dans ses poches, sous la chemise, etc. Il arrive même dans certaines circonstances que le tintement métallique qui s'échappe de ses poches surchargées démente catégoriquement l'innocence prétendue devant la disparition de l'ensemble des cuillères du service. Et il y tient à ses objets plus qu'à son moi, car c'est dans de telles circonstances que, contraints par la situation à récupérer certains objets, les soignants reçoivent de sa part toute la panoplie de violence à laquelle un homme désespéré peut avoir recours : coups de poing et de pieds, crachats, hurlements, injures, morsures, etc. Là aussi, E. Dupré nous éclaire attirant notre attention sur la description pleine de finesse clinique du littérateur en se référant à "l'accès d'anxiété et de confusion délirante que Molière, dans une scène fameuse, décrit chez Harpagon, après le vol de sa cassette et la perte de son trésor" (6, p. 439).

ON ME VOLE

La question du vol est omniprésente dans notre cas clinique. Dans son commentaire d'un texte de Clérambault, Danielle Arnoux pointe l'accusation "voleur!" comme étant à la genèse du sentiment de persécution. Elle est même le "paradigme du sentiment de persécution" (2, p. 89). Il s'agit bien d'un vol de jouissance dans les termes que nous avons utilisé ici. Mr S. a du endosser cette accusation à maintes reprises, parfois de manière un peu facile dès que quelque chose disparaît. Et pourtant, il ne cesse de se déclarer lui-même victime d'un préjudice : "on me vole". D'abord, son associé, lorsqu'ils ont fait faillite ; ensuite, son frère : "il me vole tous mes biens, il a pris ma voiture". Aux antipodes de Diogène, nos thésauriseurs ont le sentiment de propriété bien développé. Pour Mr S., ce qui se trouve par terre ou ce qu'il trouve dans les poubelles qu'il fouille de manière prolixe, est à lui. "La propriété d'un trésor appartient à celui qui le trouve dans son propre fonds", dit l'article 716 du Code Civil (4). Il oppose sa bonne foi et cette loi quasi naturelle dans des contentieux difficiles à régler (parfois il doit se soumettre à une sorte de "justice parallèle" de la part de ceux qui se sentent lésés). A sa décharge, on pourrait dire qu'il fut un temps où l'on arguait que la propriété était un vol (Proudhon), et il y en a eu même qui lançaient de manière provocatrice : "Qu'est-ce que le vol d'une banque comparée à sa fondation?" (Brecht), mais c'est peu probable qu'un homme de son extraction ait pu adhérer à de telles idées. Nous le croyons attaché à des valeurs plus prosaïques.

TROIS MODES DE NE PAS JOUIR DE L'OBJET

Nous sommes parvenus à circonscrire un peu les problèmes que nous pose Mr S., mais aussi évident soit-il une part de folie dans son comportement, il comporte aussi, comme nous l'avons vu, une part de raison. Nous ne sommes pas les seuls à faire ce constat. Tous les auteurs (8) qui s'intéressent au "syndrome de Diogène" - dont l'extension non seulement déborde largement les sujets âgés pour s'étendre à toute la pyramide des âges, mais aussi tend à englober tous les comportements d'accumulation -, s'accordent d'un côté pour signaler leur gêne devant un comportement de toute évidence étrange, avec, de l'autre, la difficulté à lui trouver une signification clinique dans un large spectre qui va de la démence à la jouissance du libre arbitre, en passant par la dépression mélancolique et les délires chroniques. Pour E. Dupré, on peut rencontrer parmi ces sujets, des déséquilibrés, des déments, "mais parfois aussi des aliénés, atteints de délires variés, polymorphes, souvent anciens, et où dominent toujours les idées de persécution" (6, p. 440). Nous nous tournons alors vers la pensée de critiques contemporains tels S. Zizek et G. Agamben, pensées qui réfléchissent sur le vieux problème du rapport entre l'homme et les choses, dans l'idée d'éclaircir notre problématique. Le premier nous propose une triade (16) sur des modalités de ne pas jouir de l'objet (et de mode réflexif, de jouir de cette impossibilité), l'envie, l'avarice, la mélancolie, que nous mettons ensuite à l'œuvre dans des figures cliniques.

L'envieux ne convoite pas tellement la possession par l'autre de l'objet comme tel, mais plutôt la manière dont l'autre est capable de jouir de cet objet (16). L'exemple type - tellement de fois abordé -, est le commentaire que fait Saint Augustin de l'enfant qui regarde son frère allaiter. Nous avons là une formule concise de la paranoïa, et qui nous permet de comprendre pourquoi en l'occurrence il ne suffit pas de reprendre la possession de l'objet, mais il faut détruire cette capacité de l'autre à en jouir.

L'avare possède l'objet, mais il ne peut pas le consommer ; sa satisfaction provient - dans ce que J. Lacan consacre comme la culmination du caractère fétiche de l'objet dans le désir humain (10) -, de la seule possession. Ce en quoi il se rapproche de la position perverse : "Et de même que le fétichiste ne parvient jamais à posséder intégralement son fétiche, parce qu'il est signe de deux réalités contradictoires, de même le possesseur de la marchandise ne pourra jamais en jouir simultanément comme objet d'usage et comme valeur" (1, p. 74).

Le mélancolique, comme l'avare, possède l'objet mais il a perdu la cause qui l'a fait désirer. Cette formule mérite une brève précision : le stratagème mélancolique se déduit du fait que la seule manière de posséder un objet que nous n'avons jamais eu, qui a été perdu depuis le début, est celui de traiter un objet que nous possédons encore comme si cet objet aurait déjà été perdu (15). G. Agamben revient jusqu'à l'antique syndrome médical atrabilaire, l'acédie et la tristitia médiévales, pour préciser ce problème. L'intention mélancolique n'est pas due à une insuffisance, "mais à une vive exacerbation du désir qui met son objet hors d'atteinte en une tentative désespérée pour se garantir de sa perte et pour se l'attacher au moins en son absence"(1, p. 48). Elle vise à permettre une appropriation alors qu'en réalité aucune possession n'est possible. Où l'on retrouve dans un lieu inespéré ce mystérieux excès sans "règle ni mesure", cette hybris qui parcourt l'homme de l'antiquité jusqu'à notre patient.

FIGURES CLINIQUES DE L'ECONOMIE POLITIQUE

Reprenons ici la citation de K. Marx que nous avons mis en exergue de notre travail. Il se dégagent deux termes, le capitaliste fou et le thésauriseur rationnel, avec les deux autres possibilités que nous avons signalé plus haut : le thésauriseur fou et le capitaliste rationnel. Ces figures ressortent de la manière de traiter ce non-rapport qui fait tourner la tête entre la valeur d'usage et la valeur d'échange, repartis entre la raison et la folie.

Du côté de la folie, nous avons le capitaliste fou de K. Marx, le thésauriseur, c'est à dire l'avare des littérateurs et moralistes. Il est celui qui dénie le non-rapport entre la valeur d'usage et la valeur d'échange, que nous rapprochons avec J. Lacan (10) et G. Agamben (1) d'une position perverse. Il sait, le capitaliste fou, que la valeur d'échange se perd dans l'acte de la thésaurisation, mais il fait comme si la valeur restait intacte. C'est pourquoi il ne thésaurise pas n'importe quelle marchandise, mais des marchandises que si elles revenaient à la circulation conservent potentiellement leur valeur d'équivalent et leur capacité à se remettre à produire plus de valeur encore. Il tire sa jouissance du déni, dans le sens freudien de verleugnung. Remarquons que G. Agamben, s'autorisant de Kraft Ebbing, n'hésite pas a y inclure les collectionneurs (9).

Ensuite, nous pouvons du côté de la raison lui opposer le thésauriseur rationnel de K. Marx, c'est à dire le sujet du capitalisme, celui qui sait du non-rapport et qui met la marchandise en circulation. Mais avec ce savoir nous ne sortons pas d'une certaine aliénation sociale, car selon la formule devenue célèbre, les sujets du capitalisme ne savent pas ce qu'ils font. Cependant, la mystification porte sur le faire et non pas sur le savoir. Ce serait notre horizon subjectif contemporain : la raison cynique contemporaine de Peter Sloterdjik (17) qui veut qu'ils savent ce qu'ils font, mais ils le font quand même(10).

A nouveau du côté de la folie, nous avons le thésauriseur fou, les "mendiants thésauriseurs" de E. Dupré, qui ne savent pas tout court, c'est-à-dire qui sont dans un rapport de méconnaissance forclusive face au non-rapport. Il s'agit d'une double méconnaissance : du caractère social de l'Autre du marché, et de la dialectique propre à l'objet-marchandise. Il arrive de même avec l'objet a, cause du désir mais qu'on ne possède que dans la folie. Notre patient constitue la figure type, comme nous l'avons vu. On peut y loger les mélancoliques avec leur tentative pétrifiée de posséder l'impossible, et aussi les paranoïaques, les envieux, qui vont jusqu'à situer la valeur de l'objet exclusivement dans la jouissance de l'autre.

Et enfin, côté raison, reste le capitaliste rationnel. C'est-à-dire celui qui saurait et qui ne serait pas mystifié. Pour G. Agamben, c'est le tâche que Baudelaire fixe à la poésie dans son témoignage de l'Exposition universelle de Paris de 1855 : la transfiguration poétique qui arrache l'objet tant à la jouissance qu'à l'accumulation (11). Le dandy et la poésie opposent à l'accumulation capitaliste de la valeur d'échange et à la jouissance de la valeur d'usage "l'appropriation de l'irréalité" (1, p. 90). Nous sommes tentés d'y ajouter deux figures radicales de l'ironie du schizophrène : d'abord au-delà de tout non-rapport ce patient de K. Abraham qui fait l'objet d'un commentaire de J. Lacan et qui entasse des cailloux vulgaires sur une table jusqu'à ce que celle-ci craque et qu'on balaye le tout sans qu'il prête "la moindre attention à ce qui se passe, n'élève pas la moindre protestation" (9, p. 29). Il recommence aussitôt à cumuler d'autres. Et cet autre exemple que nous ramenons de notre pratique, qui se situe en-deçà du tout non-rapport, ce patient qui cumulait des objets dont on pourrait difficilement en tout bon sens leur trouver une quelconque valeur d'usage ou d'échange : des croûtes séborrhéiques, des cheveux, des excréments, etc.

DEPRESSION, PARANOIA, DEMENCE

Si maintenant il ne fait pas de doute que Mr S. est un thésauriseur fou, reste encore la question d'un diagnostic psychiatrique plus précis. De ce point de vue, Mr S. est resté d'un grand classicisme : dépression, paranoïa, démence, font partie des diagnostics fréquents que nous retrouvons dans les travaux cités sur le syndrome de Diogène et autres conduites d'entassement.

Nous n'avons pas connu Mr S. lorsque l'enchaînement des choses le conduit déjà vers l'aliénation psychiatrique. Il s'agit de ce moment qui introduit une rupture dans sa vie : sa faillite, sa chute au sens propre comme figuré (12). Ses psychiatres évoquent à cette période un état dépressif. Est-ce peut-être à ce moment que ses rapports aux objets ont pris une tournure mélancolique? Même si aujourd'hui sa présentation n'évoque plus ce que nous appelons mélancolie, Mr S. garde une des caractéristiques de l'acédia mélancolique médiévale : "Je m'ennuie" constitue un énoncé qui revient avec une constance sans failles, lorsque nous ne parlons pas de son activité. Il veut retravailler, et reprendre les choses restées figées lors de sa faillite. Et à l'occasion régler quelques malentendus avec son associé. Parfois, lors de ses crises clastiques et au milieux des injures, il lui arrive un bref instant d'éclater en sanglots et d'évoquer la mort de sa mère.

Des aspects plus franchement paranoïaques sont toujours très vivants. "On me vole", Mr. S. y fait reposer l'explication principale concernant son devenir : on l'a volé et on le vole encore aujourd'hui. L'agent du préjudice est à l'occasion son associé, son frère, ou un personnage plus circonstanciel. Force est de constater que cette sensibilité n'éclôt pas dans un système digne d'une folie raisonnante : elle reste enclose dans une formule concise et par trop économique.

Nous avons enfin le diagnostic de démence avec tout son cortège de signes frontaux (14) : hostilité, anosognosie, etc. Des raisons ne lui manquent pas, au vue de ses scanners. Et il faut ajouter les troubles de la mémoire de fixation : Mr S. nous explique qu'il ne lit plus car, lorsqu'il veut reprendre son livre le lendemain, il ne se rappelle plus du tout ce qu'il a lu la veille. Il se contente de lire le journal. Mais là encore, nous partageons la surprise de E. Dupré devant une "étonnante vitalité, [qui apparaît comme un] des traits caractéristiques de ces sujets. Ces qualités de résistance vitale, [...] de l'instinct de conservation personnelle" (6, p. 443). Chez Mr S. il n'y a point d'affaiblissement démentiel. Il conserve un bon appétit que nous hésitons à nommer hyperphagie. Eventuellement, il ne perd pas l'opportunité de finir l'assiette que son compagnon de table occasionnel pourrait laisser de côté, plutôt déterminé par l'horreur de tout gaspillage que par une éventuelle lésion de l'amigdale. Il élabore un système de repères spatiaux qui pare à la plupart de ses troubles mnésiques. L'indispensable reconnaissance visuelle des lieux, des panneaux avec leurs indications de lieu, de fonction, d'horaires, constituent un véritable cognitive mapping (13). Cette nécessité pousse sa personne à la circulation dans les méandres de l'hôpital, renouvelant l'occasion de réitérer sans cesse des nouvelles trouvailles et de conserver des rapports courtois avec les personnes qu'il croise.

Nous le voyons, la question d'un diagnostic rigoureux n'est pas facile à trancher. A l'image de sa marchandise, Mr S. nous montre tantôt un côté, tantôt l'autre, sans qu'il soit possible de les réunir tous en un seul et même temps, empêchant de nous conforter dans un diagnostic qui resterait sans mystères.

ECONOMIE POLITIQUE DE LA THERAPEUTIQUE

Comme il est naturel, le seul problème qui se pose est un problème pratique. Au bord de l'épuisement, les soignants discutent sur la conduite à tenir envers Mr. S. Comment faire pour endiguer un peu le flux de marchandises qui se stockent dans sa chambre? Comment leur faire perdre un peu de leur valeur agalmatique? Comment concilier les protocoles d'hygiène à l'heure de l'hôpital accrédité et ses évaluateurs avec la nécessaire visée thérapeutique? Et puis, il va de soi qu'à l'heure de la gestion économique des lits d'hôpitaux, son long séjour est incommodant. C'est ici que toutes les références mobilisées s'avèrent ne pas être un simple exercice de l'esprit : il s'agit de prendre au sérieux cet homo economicus et de trouver quelques alternatives au seul traitement médicamenteux. Sur cet aspect, différentes options médicamenteuses ont été essayés depuis de très nombreuses années, à quelques variantes près : neuroleptiques, anticomitiaux, antidépresseurs, associés ou seuls, avec des résultats partiels. Le traitement reste stabilisé autour de 400 mg d'amisulpride, 1 g d'acide valproïque, et 20 mg de paroxétine. Ce traitement apporte un apaisement du bruit et la fureur, mais laisse sans solution l'essentiel du problème : réguler une économie subjective follement consacrée au cumul de marchandises.

En guise d'axe thérapeutique, nous tentons de réintroduire une notion de valeur d'échange, une sorte de marché, d'inscription dans un système symbolique qui lui soit à la fois supportable et efficace. Le point de départ étant, bien entendu, la reconnaissance de son droit à posséder les objets que bien lui semble, autrement dit le droit de jouissance. Ce point régule la position des soignants. Ensuite, tenter de réguler une jouissance de l'objet qui ne peut être illimitée sans que l'on tombe dans "l'absolutisation de la folie", si nous paraphrasons J. Lacan. Pour ce faire, un inventaire est dressé régulièrement avec un classement des marchandises. Plutôt que d'entamer une bataille pour la corporéité de l'objet, nous visons son aspect immatériel, "l'abstraction réelle" de sa valeur : lors de réunions entre les soignants, Mr S., et sa tutrice actuelle, il est décidé de procéder à un remboursement lorsqu'il s'agit de marchandises appartenant à d'autres personnes, ainsi que lorsque les marchandises appartenant à l'institution atteignent une certaine valeur raisonnable. Mr S. sait très bien qu'il a de l'argent qui provient de ses rentes dans des comptes bancaires. Egalement, une notification par écrit lui est envoyé et Mr S. se doit de mener une comptabilité. Mr S. consent à ce marché avec les soignants, qui en réalité n'a été nécessaire de faire fonctionner dans sa totalité que quelques fois.



 

Avec le temps, les choses se mettent à marcher discrètement. Les liens avec les soignants prennent la tournure d'une labeur commune, non dénuée maintenant d'une note d'humour, d'un rire ironique à l'heure de faire le tri. Progressivement, les moments d'inventaire deviennent plus paisibles et les transactions raisonnables. Egalement, le stock de marchandises dans sa chambre est devenu bien plus raisonnable, troquant l'aspect de décharge industrielle pour celui d'un modeste capharnaüm. Mr S. peut désormais intégrer d'autres activités institutionnelles : la musicothérapie et l'ergothérapie. Il se révèle, à la surprise de tout le monde, être un fin mélomane capable d'improviser au piano quelques enchaînements d'inspiration mozartienne, et il s'investit pleinement. En ergothérapie, il se met à produire des objets à visée artistique, qu'il expose dans la salle où se déroule l'activité : une voiture, un bonhomme, peints avec ses couleurs fétiches. Enfin, il nous arrive parfois d'avoir une lubie, celle d'initier Mr S. au chindogu, cet ironique art japonais qui suit des règles très strictes (14) pour inventer des objets inutiles, en réutilisant des objets de consommation devenus eux-mêmes inutiles.

Mr S. devient un parmi d'autres, mais certainement il n'a jamais cessé de l'être. Nous sommes partis de l'anomalie monstrueuse de E. Dupré, mais nous avons trouvé à chaque pas rien d'autre que l'habituel et problématique rapport des hommes aux choses. Sa figure, en devenant moins étrange, nous a montré l'étrangeté du monde dans lequel nous sommes immergés. Quant à connaître la raison de ce qui a pu être utile dans ce que nous avons fait pour lui, les avis divergent : certains partagent l'idée que le travail effectué sur une économie déréglée porte ses fruits, qu'il est toujours possible d'avoir une action efficace, qu'on peut trouver des solutions à ce penchant mystérieux. D'autres, plus sceptiques, restent persuadés qu'on ne change rien à la nature et que Mr S. a sans doute trouvé quelque part dans l'hôpital une autre cachette, une sorte de "paradis fiscal", où gît intact son trésor.
 



 

BIBLIOGRAPHIE

1) AGAMBEN, Giorgio ; Stanze, Rivages Poche, Petite bibliothèque, 1998.

2) ARNOUX, Danielle ; Camille Claudel. L'ironique sacrifice, EPEL, 2001.

3) BENJAMIN, Walter ; "L'œuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique", in Œuvres III, Gallimard, Folio Essais, 2000.

4) CODE CIVIL ; Dalloz, 1991-1992.

5) DERVINOS-HODBERT S. et al ; "Syllogomanie ou syndrome de Diogène, revus à travers l'histoire, littérature et clinique", in L'Information psychiatrique, vol 76, N°9, 2001, pp. 909-915.

6) DUPRE, Ernest ; Pathologie de l'imagination et de l'émotivité, Payot, Paris, 1925.

7) HANON, Cécile ; Le syndrome de Diogène, Une approche trans-nosographique, Mémoire pour le Diplôme inter-universitaire "Troubles de la mémoire et psycho-comportementaux des sujets âgés", Université Paris VI, 2002.

8) JAMESON, Fredric ; Postmodernism, or the cultural logic of late capitalism, Duke University Press, Durham, 2001.

9) LACAN, Jacques ; Les psychoses, Le Séminaire livre III, Seuil, 1981.

10) LACAN, Jacques ; Hamlet V, L'objet Ophélie, Ornicar?, N° 26-27, 1983, pp. 7-19.

11) LACAN, Jacques ; D'un Autre à l'autre, Le Séminaire livre XVI, Seuil, 2006.

12) LEMEL, Annaïk ; Soin et psychose, "Au fil du temps", Mémoire de D.E.S.S. de psychopathologie clinique, 2004-2005, Université Paris II Denis Diderot.

13) MARX, Karl ; Le Capital, Livre premier, Champs Flammarion, 1985

14) YUDOFSKY, Stuart ; HALES, Robert ; Neuropsychiatry, 2nd edition, The American Psychiatric Press Textbook, 1992.

15) ZIZEK, Slavoj ; Did somebody say totalitarianism?, Verso, London, 2001 ; [Trad. franç. Vous avez dit totalitarisme? Cinq interventions sur les (més)usages d'une notion, Editions Amsterdam, 2004].

16) ZIZEK, Slavoj, DOLAR, Mladen ; Opera's second death, Routledge, London, 2002.

17) ZIZEK, Slavoj ; Ideología, Un mapa de la cuestión, Fondo de cultura económica de Argentina, Buenos Aires, 2003.
 

Notes


1)  Ce terme définit une accumulation irrationnelle de toutes sortes d'objets inutiles et de déchets.


2)  Telle est la phrase de E. Dupré : "L'avare, entièrement possédé par l'amour exclusif de l'or, entasse, dans un collectionnisme mystique et systématique, les symboles représentatifs d'une richesse absolument stérile" (6, p. 443). Nous aurons l'occasion de revenir sur celle de K. Marx un peu plus loin.


3)  Des hypodensités frontales et temporales, devenues plus tard séquellaires. En 1987 il a du être trépané pour évacuer un hématome extra-dural. Mr S. a fait des crises convulsives, et ses tracés d'E.E.G. montrent toujours des nombreuses anomalies bilatérales (des ondes théta lentes et diffuses) et des éléments paroxystiques au niveau des régions temporales gauches.


4) C'est nous qui soulignons.


5) Ou le capitaliste fou dont nous parle K. Marx : "Pour retenir et conserver le métal précieux, en qualité de monnaie, et par suite d'élément de la thésaurisation, il faut qu'on l'empêche de circuler ou de se résoudre comme moyen d'achat en moyens de jouissance. Le thésauriseur sacrifie donc à ce fétiche tous les penchants de sa chair. Personne plus que lui ne prend au sérieux l'évangile du renoncement" (les italiques sont de K. Marx 13, p. 108).


6) Nous aurions pu tout aussi bien utiliser le célèbre "It’s the economy, stupid!", l'apostrophe du conseiller électoral de Bill Clinton lorsque celui-ci lui demandait l'axe pour sa campagne dans les années '90.


7) A son tour, comme nous l'explique Fredric Jameson, cet autre est lui-même inconsistant, écartelé entre "une idéologie et un ensemble de problèmes et pratiques institutionnelles" (8, p. 260).


8) Nous renvoyons à la bibliographie présentée et commentée dans le travaux de S. Dervinos-Hodbert et al (5) et C. Hanon (7).


9) "...le fétichiste présente de nombreuses analogies avec un type que l'on n'a pas coutume de classer parmi les pervers, celui du collectionneur. Ce que le collectionneur cherche dans l'objet est quelque chose d'absolument impalpable pour le non-collectionneur, utilisât-il ou possédât-il l'objet ; de même le fétiche ne coïncide en aucune façon avec l'objet dans sa matérialité" (1, p. 71).


10)  Nous apprenons avec surprise que Le Capital a été récemment redécouvert à Wall Street, et puis, plus surprenant encore, que K. Marx est élu en juillet 2005 "Greatest Philosopher of all time" par les auditeurs de la BBC (Francis Wheen, "Why Marx is man of the moment? He had globalisation sussed 150 years ago", The Observer, Sunday, July 17, 2005).


11)  Si cette idée peut nous sembler tellement étrange c'est certainement que Baudelaire ne peut pas prévoir ce que Walter Benjamin met à jour plus tard, c'est-à-dire le statut de l'œuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique (3) : l'objet d'art peu devenir une marchandise comme toute autre.


12)  Comme l'a si bien mis en valeur A. Lemel (12).


13)  Cette notion forgée par R. Downs et D. Stea (Cognitive Maps and Spatial Behavior. Process and Products, in Image and Environment, Aldine Publishing Co., Chicago, 1973)  est définie comme le processus composé par une série de transformations psychiques par lesquelles un individu acquiert des codes, puis stocke, rappelle et décode l'information sur les attributs des phénomènes dans son environnement spatial quotidien.


14)  "Un chindogu ne doit pas avoir d'utilité ; un chindogu existe ; il est propre à tout chindogu l'esprit de l'anarchie ; le chindogu est un objet de la vie quotidienne ; un chindogu ne se vend pas ; l'humour ne doit pas être la seule raison pour créer un chindogu ; un chindogu n'est pas de la propagande ; un chindogu n'est jamais tabou ; un chindogu ne peut pas être patenté ; un chindogu n'occasionne aucun préjudice" (www.chindogu.com).