Je remercie Dominique Wintrebert de
m’avoir invité à discuter avec vous autour des formes et
transformations dans le « pousse à la femme ». La notion
aborde la problématique de la sexuation dans la psychose. Ce que
le mot « sexuation » à la place de « sexualité
» veut dire, c’est qu’il ne s’agit pas du comportement sexuel de
nos patients, mais de la manière dont ils subjectivent le fait que
les humains sont separés en deux sexes, ce qui peut bien entendu
avoir des conséquences sur leur comportement sexuel. Ce n’est pas
un problème nouveau, mais les personnes dont l’être-au-monde
relève de ce qu’on appelle « les psychoses », apportent
une réponse originale, et qui a des incidences dans le reperage
clinique, diagnostique et thérapeutique.
Avant S. Freud, la question est répéré
dès la naissance de la psychiatrie moderne d’une manière
assez générale, mais sans que l’on se soit aperçu
d’une logique propre au problème. Freud reprend en 1911 les Mémoires
du Président Schreber et arrive à une formulation de la paranoïa
(comprise dans un sens large) comme une projection d’un fantasme homosexuel
refoulée « ce n’est pas moi qui l’aime, c’est lui »
[1].
Le fait marquant du cas Schreber est qu’après avoir été
internée pendant plusieurs années et passablement fou, il
reprend ses esprits dès lors qu’il accepete un « devenir la
femme de Dieu » :
« Monsieur le
Président du Sénat reçut aux environs de la cinquantième
année de sa vie, la ferme conviction que Dieu - lequel porte du
reste des traits manifestes de son père, le respectable médecin
que fut le Dr. Schreber - avait pris la résolution de l'émasculer,
de l'utiliser comme femme et de faire naître de lui des humains d'esprit
schrébérien. [...] C'est la rébellion contre cette
injustice divine, qui lui apparaissait hautement injuste et "contraire
à l'ordre du monde", qui le rendit malade [...]. Le président
du Sénat Schreber trouva la guérison lorsqu'il se résolut
à abandonner sa résistance vis-à-vis de la castration
et à se plier au rôle féminin que Dieu lui avait réservé
» Freud (S.), Une névrose diabolique au XVIIè siècle,
in L'inquiétante étrangeté et autres essais,
Folio Essais, Gallimard, 1985, p. 296-298.
Nous allons voir plus tard dans quel sens
il faut comprendre cette « guérison » du Président
Schreber. En tout cas, Freud veut mettre en avant une valeur « autothérapeutique
» du délire. D’une certaine manière, cette autothérapeutique
delirante, s’apparente à une notion de l’aliénisme français
attribuée à Falret : « le travail délirant »,
et qui se construit en France dans la deuxième moitié de
19ème siècle à travers les oeuvres de différents
aliénistes, Lasègue, Foville et Magnan, qui s’attachent à
observer et décrire le « délire chronique à
évolution systématisé », où l’on s’aperçoit
d’un effet d’apaisement une fois que le discours délirant trouve
une certaine articulation.
Cette problématique constitue
une part essentielle des psychoses, qu’elle soit manifeste dans la narrativité
du discours délirant, dans l'imaginaire hallucinatoire ou dans l'abrupt
du passage à l'acte. Le sens et la direction de ce travail délirant
est le même que les aliénistes du 19ème
siècle isolent dans les délires chroniques : de l'inquiétude
à la persécution, et enfin à la mégalomanie.
Le pousse-à-la-femme,
une expression d'Antonin Artaud recueillie par Lacan en 1973, est la notion
qui correspond à cette évolution [2]. Il
s'agit en règle générale d'un délire de transformation
en un autre,
La femme, par un autre, et pour un autre. Lacan s’interroge
en 1956 si l’on n’est pas devant:
"un mécanisme
proprement psychotique qui serait imaginaire et qui irait de la première
entrevision d'une identification et d'une capture dans l'image féminine,
jusqu'à l'épanouissement d'un système du monde où
le sujet est complètement absorbé dans son imagination d'identification
féminine" (Lacan (J). Séminaire III, Les psychoses,
Seuil, 1981, p. 75).
Nous allons tenter de vous présenter
les grandeurs et les limites de la notion du « pousse à la
femme »
I - LA DIFFÉRENCE
SEXUELLE – « IL N’Y A PAS DE RAPPORT SEXUEL »
La culture porte partout des traces
de cette question de la différence sexuelle. Elle n’a pas cessé
de faire parler, écrire, peindre et prier.
Dans les Métamorphoses, le poète
latin Ovide évoque la querelle entre Junon et Jupiter autour de
la volupté masculine et féminine. Le devin Tirésias,
métamorphosé en femme pendant huit ans pour avoir interrompu
l’accouplement de deux serpents, témoigne que la jouissance féminine
est plus grande. Furieuse d’une telle révélation, Junon rend
aveugle Tirésias. (Ovide, Métamorphoses, Gallimard,
1992).
L’écrivain français Denys
de Rougemont dans l’ouvrage
L’amour et l’occident que Lacan lit
pendant que se déroule le Séminaire Encore..., explore
l’histoire de Tristan et Iseut, l’histoire d’amour par excellence en occident.
L’ouvrage oppose
Eros (l’amour fusion du Un) à
Agapé
(le mariage chrétien), à travers l’étude de l’amour
courtois, de ses liens avec la mystique, et y decèle la survivance
de la religion cathare, une véritable religion de La femme. (Rougemont
(D.), L’amour et l’occident, Editions 10/18, 2001).
G. Agamben dans Stanze revient
sur la légende de Pygmallion et Le Dolce stil nuovo,
cousin méridional de l’amour courtois, où il est question
des considérations médiévales sur l’entrebsecar dans
la formation du fantasme et la Joi d’amour, « la joie qui n’a jamais
de fin ». (Agamben (G.), Stanze, Rivages, 1998).
L’historien de la culture Aby Warburg
va fonder sa célèbre « science sans nom » avec
des considérations sur Ninfa et sa jouissance folle à travers
les arts plastiques à la Renaissance. Ces deux notions majeures,
le Nachleben et le Pathosformel y prennent naissance. (Warburg
(A.), Essais florentins, Kliencksieck, 1990).
Enfin, Michel Poizat dans L’Opéra
ou le cri de l’ange s’attache à l’étude de la jouissance
lyrique dans la musique et les avatars entre une jouissance illimité
courrant à travers les voix des soprano, face à la lettre
de la loi portée par les voix des barytons (Poizat (M.) L’Opéra
ou le cri de l’ange. Essai sur la jouissance de l'amateur d'Opéra,
Métaillé, 1986)
Au sein de toutes ces « formations
symptomales de la culture », considérer la folie comme
« un phénomène anthropologique total » (Didi-Huberman
(G.), L’image survivante,Histoire de l’art et temps des fantômes
selon Aby Warburg, Les Editions de Minuit, 2002) nous met dans la direction
de considérer les formations symptomatiques des psychoses comme
une façon originale de se situer face à cette même
question.
Partons donc d’un fait de culture pour
avancer dans notre discussion sur le pousse à la femme. Dans son
dernier ouvrage, paru en début d’année en Italie et consacrée
à la notion de « nymphe » telle qu’elle se dégage
du travail de Aby Warburg, Giorgio Agamben cite brièvement Boccace.
Ce poète du Dolce sitl novo italien, arrivé à
la fin de sa vie dans un ouvrage moins celèbre que le Décameron,
croit nécessaire d’introduire quelques précisions : contre
celles qui affirment que toutes les bonnes choses sont femmes, les étoiles,
les planètes, les Muses, Boccace afirme avec réalisme :
« C’est vrai qu’elles
sont toutes femmes, mais elles ne pissent pas (Egli è vero che
tutte son femine, ma non pisciano » (Corbaccio) G. Agamben Ninfe,
Bollati Berlinghieri, Torino, 2007).
Cette brusque et surprenante limite que
l’un des poètes les plus brillants du Dolce stil nuovo impose
aux femmes va nous permettre d’approcher des distinctions qui peuvent s’avérer
éclairantes dans la clinique psychiatrique quotidienne. Quelque
chose qui nous aidera au moment de distinguer une femme de La
Femme.
II - JOUISSANCE DE
L’UN ET AUTRE JOUISSANCE
Commençons par dire que l’on
peut avec beaucoup de profit remplacer la notion de « sens génital
» que les aliénistes mettaient en série avec les autres
sens, par celle qu’introuduit la psychanalyse de « satisfaction »,
et plus précisément cette « Autre satisfaction »
avec laquelle Lacan définit la jouissance sexuelle. Dans la clinique
des psychoses nous pouvons substituer tout ce que les psychiatres abordent
en termes « d’hallucinations du sens génital » par une
notion de « phénoménologie de la jouissance »
pour faire le rapprochement du pousse à la femme avec le trésor
clinique élaboré par l’aliénisme.
Pour Freud il n’y a de libido que masculine.
Dans les Théories Sexuelles Infantiles, il souligne la théorie
qui consiste "à attribuer à tous les êtres humains,
y compris les êtres féminins, un pénis" (Freud (S.),
Les Théories Sexuelles Infantiles, in La vie sexuelle, Presses
Universitaires de France, 1969, p. 19). C’est ce qu’on appellera plus tard
« le phallocentrisme de l’inconscient ». Mais dans sa conférence
Sur
la Feminité il reste sur l'"énigme de la femme", selon
l'expression de Freud, dont il dit que ni l'anatomie ni la psychologie
peuvent le résoudre.
Was will das Weib? Lacan pour sa part,
évoque que « La jouissance en tant que sexuelle, est phallique
», (Lacan (J.)., Encore..., Seuil 1973, p. 14), mais une partie
essentielle du Séminaire Encore... s’applique à nous expliquer
que pas-toute...
Dans cette perspective, le complexe
d’Oedipe désigne le processus de transformation d'une sexualité
phallique, unique et identique pour les deux sexes, en deux positions subjectives
différentes, hommes et femmes. (Brousse (M. H.), Les féminités:
l'Autre sexe entre métaphores et suppléances, in La Lettre
Mensuelle, Ecole de la Cause Freudienne, N° 112, p. 20).
Très schématiquement,
nous pouvons dire que côté homme cela se résume à
« avoir le phallus ». Côté femme, les choses sont
un peu plus compliquées. La logique d’être l'objet du désir
de l'autre, trouve son ultime développement dans « l'être
tout pour l'autre ». Cet être pour l'Autre, Lacan, au fils
des années, au fur et à mesure qu'a progressé son
enseignement, l'a désigné avec des formules diverses. Trois
d'entre elles sont bien isolables: « être le phallus »,
« être l'objet », « être le symptôme
».
Mais, pour Freud et pour Lacan, la question
de la jouissance féminine ne se sature pas dans ces positions féminines
de l’être que nous venons de signaler. Elle n’est pas toute dans
cette jouissance phallique.
« C'est justement
de ceci que, de n'être pas toute, elle a, par rapport à ce
que je désigne de jouissance phallique, une jouissance supplémentaire.
[...] Il y a une jouissance [...] du corps, qui est [...] au-delà
du phallus [...]. Il y a une jouissance à elle dont peut-être
elle même ne sait rien, sinon qu'elle l'éprouve [...] Menues
considérations sur la jouissance clitoridienne et sur la jouissance
qu'on appelle comme on peut, l'autre justement, celle que je suis en train
de vous faire aborder par la voie logique, parce que jusqu'à nouvel
ordre, il n'y a pas d'autre ». Lacan (J). Le Séminaire Livre
XX, Encore..., Op. cit., p. 75.
III - LES FORMULES DE
LA SEXUATION – LE PASTOUT DE LA FEMME
La question du « phallocentrisme
de l’inconscient », et plus tard la question structuraliste de «
l‘échange des femmes » dans la société, ramènent
à l’ouvrage de Freud Totem et Tabou avec le mythe du Père
de la Horde primitive inventé par l’anthropologue Frazer. Lacan
va tenter, comme il vient de nous le dire, une formulation logique qui
rende compte à la fois du mythe et de cette jouissance « pastoute
dans la logique du signifiant phallique ».
Logique aristotélicienne
et logique lacanienne
Nous devons signaler ici que, pour Aristote,
l'existence de l'Universel [3], qui participe de l'Essence,
n'est assurée que du particulier, c'est à dire du "quelque"
pour qui le prédicat s'applique. Autrement dit, c'est la «
substance » qui réunit forme et matière.
Lacan, s’inspirant des mathématiques
modernes, mais certainement aussi d’une vielle tradition que l’on peut
faire remonter au moins jusqu’à Hegel, puis Kierkegaard, et d’autres
qui contredisent Aristote, fonde l’universel, c’est-à-dire le «
tout », l’ensemble, sur une exception. Pour qu’il ait un universel,
il faut qu’il existe au moins un qui en soit exclu.
Cette logique de l’ex-sistence et l’exception
que désigne le quantor $
, impliquent une valorisation de la fonction de limite pour qu’un tout
prenne une certaine consistance. Et la figure d’exception est celle du
Père de la horde primitive de Totem et Tabou. Cette sorte de «
Père-la-jouissance », qui possède toutes les femmes
et que la horde doit tuer pour devenir une fratrie et s’imposer une loi,
fondatrice de la civilisation, la loi de la castration [4]
dans l’échange des femmes.
Côté
homme |
Côté
femme |
Vx fx
__
$x
fx
Tout : ensemble fini. |
___
Vx fx
__ __
$x
fx
Pas-tout : ensemble infini |
Le tableau de Lacan établit une
profonde dysymétrie entre les deux côtés. C’est ce
que résume son célèbre « Il n’y a pas de rapport
sexuel ». Cela crée une région subjective où
l’on verra se côtoyer les femmes, les mystiques [5]
et les fous.
Côté femme donc, le tout
se trouvé nié : il constitue un ensemble sans limite. Nous
trouvons une belle image de ce pastout dans la nymphe de A. Warburg :
« Dans la partie
du corps qui reçoit le souffle, l’étoffe est plaqué
contre la peau, et de ce contact surgit quelque chose comme le modelé
du corps un. De l’autre côté, l’étoffe s’agite et se
déploie librement, presque abstraitement, dans l’air. C’est la magie
du drapé : les Grâces de Boticelli comme les ménades
antiques réunissent ces deux modalités antithétiques
du figurable : l’air et la chair, le tissu volatile et la texture organique.
D’un côté, le drapé s’élance pour lui seul,
créant ses propres morphologies en volutes ; d’un autre côté,
il révèle l’intimité même – l’intimité
mouvante – émouvante – de la masse corporelle » (Georges Didi-Huberman,
L’Image
survivante, Histoire de l’art et temps des fantômes selon Aby Warburg,
Editions de Minuit, 2002, p. 258).
Eric Laurent commente que
« L'expérience
psychanalytique, témoigne de [...] deux espèces de jouissance
qui viennent au sujet [...]. D'abord celle de l'organe masculin, marqué
par le Un [...]. Ensuite, plus familière aux femmes, une jouissance
qui est toujours apparue plus diffuse, moins localisée dans l'organe,
par là même moins soumise à la retombée, susceptible
d'être multiple, enveloppante pour le sujet ». (Laurent (E.),
Les deux sexes et l'Autre jouissance, in La Cause Freudienne N°
24, Juin 1993, L'Autre Sexe, p. 4).
Suivant Freud et Lacan, y a une jouissance
phallique commune aux deux sexes et un représentant symbolique de
celle-ci commun aux deux sexes dans l’organe phallique. Il reste une jouissance
Autre, au-delà de l'organe, qui s’accommode mal de l'aliénation
du symbole.
La Femme existe
dans la psychose
L’existence de l’exception qui devrait
fonder le tout des femmes se trouve lui aussi nié : La Femme, n’existe
pas.
__ __
$x
fx
Nous avons évoqué au début
tout ce que les productions culturelles ont produit à profusion,
des mythes, des religions, des narratives poétiques, peintures ou
compositions musicales, ayant pour vocation de fabriquer un représentant
pour cette non-existence. La folie de la psychose va consister justement
à s’y identifier, et s’y faire la substance. « Etre la
femme qui manque à tous les hommes » est une solution
psychotique. Elle tente de poser un Tout, un Universel, là où
il n’y a que pastout. Etre « l'Autre de l'Autre » consiste
à se faire la « substance », c’est-à-dire assummer
cette place, s’y identifier, alors que l’on ne trouve pas de représentant
dans le système symbolique (E. Laurent, Positions féminines
de l’être, in La Cause Freudienne N° 24, Juin 1993, L'Autre
Sexe)
C’est donc dans la psychose que La Femme
existe. Le travail délirant du pousse-à-la-femme nous
montre un processus d'identification à l'Autre du Père
Primitif, un devenir délirant La femme, comme chez Schreber.Ce
qu’il s'agit de comprendre c’est que cette femme vers laquelle les
psychotiques sont poussées, n'est pas une femme comme une
autre, mais
La femme, c'est-à-dire une figure de la narrative
et l’imaginaire délirant, d'une complétude à l'épreuve
de toute castration. C’est à ce titre que Lacan dit d'elle qu'elle
n'existe pas sauf dans la psychose.
IV - LA QUESTION DE
LA JOUISSANCE DANS LES PSYCHOSES
Dans le DSM-IV la sexualité est
complètement absente des contenus délirants. Ce fait est
symptomatique du déplacement du regard dans la clinique psychiatrique
contemporaine, qui abandonne une psychopathologie qualitative, au profit
du quantitatif. Cependant pour Kraepelin, Bleuler, Magnan ou Ey - sans
parler de Freud -, elle résume le plus important des hallucinations
et du délire, sinon l'essentiel.
Valentin Magnan, dans ses célèbres
Leçons cliniques, remarqe que « les hallucinations du sens
génital ne sont pas rares, surtout chez la femme, mais les hommes
ne sont pas exempts; ils se plaignent assez souvent de pratiques de sodomie,
d'onanisme, auxquelles leurs ennemis se livrent sur eux aussi bien le jour
que la nuit ».
Emil Kraepelin note son ovrage Dementia
Praecox : «
Une place très importante dans le tableau
clinique de la Démence précoce, occupent, à mon avis,
les délires sexuels, très souvent en rapport avec des sensations
sexuelles précédemment décrites" (Kraepelin (E.),
La
Demencia Precoz 1° Parte, (Traduction de la 8ème édition
du Traité de Psychiatrie), Colección Clásicos de la
Psiquiatría, Editorial Polemos, Buenos Aires 1996.
Eugen Bleuler, lui, signale que «
parmi
les hallucinations corporelles des schizophrènes, les sexuelles
sont, de loin, les plus fréquentes ». Il remarque encore
que « lorsqu'une [patiente] schizophrène a une idée
délirante, il est rare que le contenu sexuel soit absent »
(Bleuler (E.) Dementia praecox ou Groupe des schizophrénies,
EPEL GREC, 1993).
Henri Ey signale les auto-mutilations
et les castrations parmi les comportements impulsifs les plus caractéristiques
des schizophrènes, puis il poursuit : « Les représentations,
les mythes, idées délirantes et hallucinatoires jouent, dans
la plupart des cas, sur des thèmes sexuels: érotisation des
objets et des situations, « symbolisme » sexuel des productions
artistiques, sexualisation de tous les contacts, du langage, de la pensée,
descriptions d'accouplements monstrueux s'étendant à l'univers
entier, aux astres, aux saisons », (Ey (H.), Schizophrénie,
Etudes cliniques et Psychopathologiques, Les Empêcheurs de Penser
en Rond, 1996).
Nous allons tenter de saisir ce qu’il
en est du pousse à la femme à travers d’une dialectique qui
va opposer l’« experience » dans le sens phénoménologique
d’Erlebniss, c’est à dire quelque chose qui saisit le sujet,
un moment d’irruption, de discontinuité, au « savoir »
c’est à dire un enchaînement discursif, le travail délirant
à proprement parler, qui cherche à intégrer dans la
continuité de sa personne ces moments de discontinuité. En
faisant cela, nous ne faisons que resituer la question dans un problème
constant de la psychiatrie, c’est à dire le rapport entre les «
moments féconds », discontinuités aiguës, ruptures,
et son organisation, la « signifiantisation », son historisation,
la continuité dans laquelle le patient est plongé dans son
travail délirant. C’est à dire la distance clinique entre
un instant de perpléxité et la certitude, dont on sait que
le médiateur est l’angoisse.
Ces psychiatres ont mis en avant quelques
caractéristiques cliniques de cette expérience de jouissance
folle, « délocalisée du signifiant » : les patients
vivent ces expériences comme illégales, comme une imposition
(d’où les expressions de « viol » ou « abus »
si souvent utilisées), des phénomènes insensées
marquées par l’extravagance d’une expérience sans cesse (jour
et nuit, dans l’intimité comme dans les espaces publiques). Ces
expériences de jouissance sont le plus souvent vécues comme
expériences corporelles, mais aussi dans l’espace verbal de l’hallucination
comme Henri Ey l’avait si bien repéré lorsqu’il commentait
dans son Traité des Hallucinations, le syndrome VSP (vache,
salope, putain) des aliénistes : « la célèbre
trilogie du mépris, l’injure et la calomnie ». E. Bleuler
évoque pour sa part « les voix sexuelles ».
Ces quelques vignettes cliniques de
Magnan son assez évocatrices (Magnan (V.), Leçons cliniques
sur les Maladies mentales, Publications du Progrès médical,
Paris, 1893) :
« Obs. VIII.- Jeanne Lec...
[...] Dans ses prédications à l'église, il y a dix
ans, ce curé faisait des allusions à sa personne et la poussait
à se livrer à lui; il donnait à entendre qu'elle était
belle femme, bien conservée, et qu'il l'accueillerait volontiers
chez lui. Elle proteste de la régularité de sa conduite,
elle n'a jamais eu de relations, dit-elle, ni avec lui, ni avec d'autres
».
« Obs. X - Mme. Cor... [...]
On lui introduit dans le corps des machines longues comme des boyeaux,
des fils de fer; une tête empoisonnée a pénétré
dans sa tête, un corps de femme s'est introduit dans son propre corps,
elle durcit, se gonfle, fait des bosses quelques fois. Elle s'est donné
des coups de marteau sur le ventre pour crever cette malencontreuse visiteuse.
Parfois elle prétendait que la personne qui s'introduisait dans
son corps se substituait à elle, et avait à sa place des
relations avec son mari. [...] Quelquefois les relations avec son mari
sont très douloureuses; parfois, enfin, elle a des raprochements
sexuels avec un individu qu'elle sent, mais qu'elle ne voit pas; elle reste
assise sur sa chaise et éprouve les mêmes sensations voluptueuses
».
« Obs.XI - Mme. H.... [...]
Elle prétend que, dans la rue, des gens qu'elle ne connaît
pas, dit-elle, lui disent des injures [...] "Mais tu n'entends donc pas?
on dit que je me conduit mal, on m'appelle Vénus, Eve; on me traîne
dans la boue ... [...] Elle raconte, d'une part qu'on la martyrise parce
qu'lle est puissante par la grâce de Dieu; Dieu l'a faite impératrice
de la Sainte-Croix; il fait des miracles pour elle, tous les obstacles
disparaissent, elle débloque tout sur son passage. D'autre part,
elle prétend qu'elle devrait être maîtresse sur les
affaires de l'Etat ».
V - LES TRANSFORMATIONS
IMAGINAIRES DU POUSSE A LA FEMME
Pousse à
la femme et forclusion
Un des premiers points à préciser
est que le pousse-à-la-femme est un concept qui est subordonné
à celui de forclusion du Nom-du-Père. Le pousse-à-la-femme
doit être considéré comme un des signes majeurs de
la forclusion du Nom-du-père, mais, bien entendu et de loin, il
n’est pas le seul. Des nombreuses possibilités restent ouvertes,
comme il ressort de la clinique.
La notion de pousse à la femme
est élaborée à partir de l’épopée délirante
du Président Schreber. Cela lui a pris quelques années à
partir du déclenchement jusqu’à la « guérison
» dont parlait Freud, et qui consistait dans l’acceptation de son
devenir La Femme de Dieu. Il se trouve que son « travail délirant
», avec les « phases » et les « transformations
» qui ont retenu l’attention de Freud, Lacan [6]
ou Henri Ey, recouvre les différents moments que Magnan articule
dans son entité, le « délire chronique à évolution
systématisée ». Cette correspondance est ce qui a met
en avant Jean Claude Maleval dans son ouvrage La Logique du délire
(Maleval (J. Cl.),
Logique du délire, Masson, Paris, 1996).
L’évolution
du délire selon Magnan
Le délire chronique à
évolution systématisé de Magnan, est marquée
par quatre périodes: période d’incubation (marqué
par l’inquiétude), période interprétative (interprétations
et hallucinations font le lit de la persécution), période
mégalomaniaque (les idées de grandeur apportent une certaine
stabilité au sujet), et enfin période de démence (qui
doit être comprise comme démence vésanique, la
Verblödung
des auteurs germaniques, c’est à dire la désorganisation,
l’émoussement et le repli du monde, sans aucun rapport avec des
entités comme l’Alzheimer).
Cette question des transformations dans
le délire retient l’attention d’Henri Ey, comme un fait caractéristique,
constitutif, du genre des délires chroniques, « l’aliénation
par excellence ». Il lui consacre une partie spécifique dans
le Traité des hallucinations : « Chaque espèce
de délire chronique [est] une forme d’existence mais qui peut
se modifier, qui peut changer de structure et de sens [...]. Si un délire
se systématise, ce n’est qu’en ajoutant à l’Hallucination
l’enchaînement discursif d’une syntaxe imaginaire » (Henri
Ey, Traité des Hallucinations, Masson, 1973). Retenons essentiellement
son idée de potentialité évolutive.
Maleval, donc, se basant sur la «
phénoménologie de la jouissance » et le travail du
sujet pour la « signifiantiser », élabore une «
échelle des délires ». Il reprend cette expression
de Lacan pour qui « le délirant, à mesure qu'il monte
l'échelle des délires, est de plus en plus sûr de choses
posées comme de plus en plus irréelles ». Cette échelle
est quadripartite, comme les phases de l’entité de Magnan, avec
tout de même quelques différences :
« Si Po connote
la carence paternelle, dit Maleval, P1 n'est pas sans évoquer paranoïde,
P2 paranoïaque et P3 paraphrénique. Bien que ces tableaux psychiatriques
soient fortement corrélés aux phases du délire, ils
n'y correspondent pas exactement [...]. Les transformations du délire
ne s'effectuent pas par franchissement d'une période à une
autre, l'imbrication de celles qui sont contiguës s'avère plutôt
la règle, tandis que la coexistence d'éléments appartenant
à plusieurs d'entre elles s'observe parfois. Les étapes décrites
[...] constituent des organisations instables, elles sont principalement
à retenir pour le schéma de logique évolutive qu'elles
permettent de dégager ».
Le Président
Schreber
Po, Période
d’incubation, déclenchement, ébauche de féminisation
chez Schreber
Que dit Magnan de cette période
?
« A cette époque
ils pourraient être pris pour des hypochondriaques. Peu à
peu il leur semble qu'on les observe, qu'on les regarde de travers, qu'on
les dédaigne et qu'on les méprise; ils doutent, hésitent,
restent flottants au milieu d'idées variées, acceptées
d'abord, repoussées ensuite, admises peu à peu et donnant
lieu enfin à des interprétations délirantes" (Magnan
(V.), Leçons cliniques sur les Maladies mentales, Publications
du Progrès médical, Paris, 1893, pp. 237-238).
Il est classique d’appeler « déclenchement
» le moment dans lequel fait irruption la discontinuité soudaine
d’une experience délirante. Deux phénomènes cliniques
intimement associés constituent des faits reperables de ce moment:
la délocalisation de la jouissance qui constitue une énigme
pour le patient. Voyons comment cela se manifeste pour Schreber en 1893
:
« Un jour, cependant,
un matin, encore au lit (je ne sais plus si je dormais encore à
moitié ou si j'étais déjà réveillé),
j'eus une sensation qui, à y repenser une fois tout à fait
éveillé, me troubla de façon étrange. C'était
l'idée que, tout de même ce doit être une chose singulièrement
belle que d'être une femme en train de subir l'accouplement »
Schreber (D.), Mémoires d'un Névropathe, Editions
du Seuil, Points, 1975, p. 46.
Lacan parle de ce moment comme d’une «
divination de l’inconscient ».
« Sans doute la
divination de l’inconscient a-t-elle très tôt averti le sujet
que, faute de pouvoir être le phallus qui manque à la mère,
il lui reste la solution d’être la femme qui manque aux hommes [...]
Nous croyons que cette détermination symbolique se démontre
dans la forme où la structure imaginaire vient à se restaurer
» (Lacan,
Ecrits, pp. 566-568).
La question de la « forme »
de la « structure imaginaire » que pose Lacan est justement
ce qui subit les transformations dans le délire, la syntaxe discursive
imaginaire évoquée par Henri Ey. Les effets imaginaires du
pousse-à-la-femme peuvent suivre un trajet qui mène du premier
fantasme schrébérien, à la construction d’un système
global (une Weltanschaaung) où le sujet occupe la place centrale.
Ce trajet manifeste un certain rapport du sujet à son expérience
de jouissance, rapport qui n’est pas le même selon que le sujet se
trouve dans un spectre clinique schizophrénique, paranoïaque
ou paraphrénique.
Une expérience fréquente
du déclenchement d’un moment fécond, dans lequel le déchaînement
de l’imaginaire produit une mobilisation du signifiant saturé d’angoisse,
le constitue le phénomène appelé « mort du sujet
», décrit par Schreber. Il correspond aux « vécus
de fin du monde », moments crépusculaires de déréalisation
et dévitalisation, qui constituent une espèce de point zéro
du « travail délirant à venir », à partir
duquel le patient doit reconstituer le sens et la signification de son
existence-au-monde.
Le cas Robert rapporté par Sven
Follin illustre ce moment dans son arrêt. Après une maladie
sérieuse et invalidante de son père, Robert, âgé
de 31 ans, débute sa psychose: « Maman, je ne me reconnais
plus, je n'existe plus, je mange mais mon corps n'existe plus »
et il menace de se suicider. Follin signale que le tableau à l'entrée
à l'hôpital n'est pas évident de schizophrénie,
mais évoque plutôt une dépression psychasthénique
avec préoccupations hypocondriaques :
« C'est un sujet
inquiet, perplexe, qui cherche l'expression exacte de la douleur morale
qu'il ressent […]. Il se plaint de troubles digestifs, de manque d'appétit,
de constipation. […] Il a le sentiment confus qu'il n'existe plus »,
dit Follin. Robert lui raconte son vécu : « Au moment de la
crise, je me suis senti devenir une femme, puis toute individualité
disparut complètement de moi, et à l'intérieur de
la poitrine, s'anéantir un choc à l'estomac, mes intestins
se tordent, et des démons s'emparent de moi complètement,
et pourtant [...]je n'ai jamais voulu devenir un être pareil [...].
Tous mes sentiments sont morts, je pense que d'un moment à l'autre,
je vais devenir un inverti ou bien mourir. Faites en sorte que je ne sois
pas une loque au pouvoir des autres ». Follin (Follin (S.), Sur la
psychopathologie du processus schizophrénique, in Vivre en Délirant,
Collection Les Empêcheurs de Penser en Rond, Synthélabo, 1992).
Henri Ey dit du destin du schizophrène
qu'il est « une sorte de « fin du monde », une «
manière-de-ne-plus-être-au-monde », et l'autisme l'enkystement
« le déperissement de l'être psychique ». Pour
lui le délire de certains schizophrènes « C'est
un délire sans progrès discursif, un délire qui ne
marche pas, qui demeure stéréotypé et cristallisé
dans ses fragments épars », mettant ainsi l'accent à
la fois sur une volonté de repli, une nécessité existentielle,
mais aussi d’une impuisssance, un ne-pas-pouvoir-faire-autrement. La suite
de l'observation de Follin va montrer cette construction autistique s'étendant
sur près de trente ans, et Robert fini sa vie entre l'hôpital
et son domicile, replié du monde.
Si nous reprenons notre opposition entre
l’expérience et le savoir, ici le patient se trouve réculer
devant l’irruption d’ « un savoir » le concernant. «
L’impossibilité
de supporter les effets de signification induit un refus de savoir particulièrement
marqué [...] des sujets [...] vivant dans la crainte permanente
d’une résurgence brutale des phénomènes psychotiques
» (Sauvagnat (F), A propos des conceptions déficitaristes
des troubles schizophréniques,
Sciences et fictions, Psychanalyse
et recherches universitaires, Presses Universitaires de Rennes, 1999).
P1, Période
d’inquiétude, Mort du sujet chez Schreber, délire paranoïde
Le Président Schreber présente
tout au long de l’année 1893 ce qu’il appelle les « miracles
», les « branchements des nerfs divins », les «
rayons », la « déréalisation », «
les expériences de volupté » et les pollutions nocturnes.
La « phénoménologie de la jouissance » suit une
course folle et sans limites. Elle exige une activité mentale épuisante
pour le Président qui affirme « le sentiment d'avoir à
résoudre une des plus graves difficultés qui jamais furent
posées à un être humain ». Cette jouissance du
corps qui le féminise lui est intolérable, persécutive,
insensée, et il lui faut coûte que coûte faire quelque
chose de ce qu’il advient. Il se révolte.
Magnan évoque bien dans la période
d’inquiétude la forte instabilité de ce vécu délirant
: «ils doutent, hésitent, restent flottants au milieu d’idées
variées, acceptées d’abord, repoussées ensuite ».
On sait que Scherber se fracasse le crâne contre les murs de sa chambre
où il ést isolé. Magnan nous présente une vignette
clinique aussi instable et désespérée. C’est le cas
d'un malade qui se dit « temporalisé », néologisme
avec lequel il signifie sa féminisation:
« Sa fiancée
avait glissé dans son corps par un orifice de la région temporale,
superposant ses organes aux siens, les yeux aux yeux, le nez au nez, l'ombilic
à l'ombilic, etc.., et, comme il se trouvait dans un service d'hommes,
cette double personnalité, homme et jeune fille, le mettait dans
le plus grand embarras. Au moment de lever et du coucher, il s'empressait,
avec la pudeur d'une jeune fille, de tirer sa chemise et de se coucher;
il avait habituellement dans le service une attitude spéciale: il
tenait constamment ses jambes croisées pour protéger sa virginité
».
P2, Phase Interprétative,
Délire de Persécution Paranoïaque, Eviration et sacrifice
chez Schreber.
Entre 1894 et 1895 va se produire chez
Schreber un recentrage du personnage persécutif. Les multiples Dieux
vont se condenser dans une figure monothéiste plus classique. C’est
une première transformation entre une jouissance envahissante du
corps et celle qui désormais vient se localiser de manière
plus précise et plus ordonée chez l’Autre persécuteur.
La jouissance est localisée dans l’Autre, mais un Autre persécutif.
Ce moment de transformation rappellent les différents reperages
cliniques [7] qui caractérisent les expériences
énigmatiques de jouissance qui retournent dans le corps comme faisant
pluôt partie de phénomènes schizophéniques,
et le retour de la jouissance dans l’Autre comme précisant une position
paranoïaque. La localisation de la jouissance dans l’Autre caractérise
la Paranoïa
Magnan appelle cette période
phase interprétative:
« Le vague peu
à peu s’efface: à l'hésitation, succède la
certitude, et, fortifiées par toutes ces preuves, ses convictions
deviennent inébranlables. Dans cet état d'esprit, le patient,
toujours sur le qui vive, épie, écoute, surprend, dans une
conversation, une phrase qu'il s'attribue; c'est l'interprétation
délirante; ou se trouve blessé par tel mot insignifiant,
mais dont le son présente quelque analogie avec une injure grossière,
et qu'il confond avec celle-ci [...]. Puis l'idée constante d'une
persécution, la tension incessante de l'intelligence finissent par
éveiller le signe représentatif de la pensée, l'image
tonale, c'est-à-dire le mot, l'hallucination auditive se produit.
La barrière est alors franchie, et le malade entre dans la seconde
période, celle des hallucinations, des troubles de la sensibilité
générale et du délire de persécution ».
Chez Schreber deux idées vont constituer
l’enjeux de cette phase de sa maladie : la menace d’éviration (Entmannung)
faite par Dieu et l’incertitude quant à sacrifier (Versöhnung)
son précieux appendice pour retrouver la paix.C’est dans cet enjeux
qu’il faut placer les nombreux passages à l’acte automutilatoires
que l’on rencontre dans la clinique. Lorsque cela arrive, c’est un indice
clinique que l’on prend les mots au pied de la lettre. Henri Ey rappelle
que les automutilations, la castration font partie des « comportements
impulsifs les plus caractéristiques des schizophrènes
» (EY (H.), Schizophrénie, Etudes cliniques et Psychopathologiques,
Le Plessis-Robinson, Synthélabo, Les Empêcheurs de Penser
en Rond, 1996, p. 199) [8].
Peut-être pouvons nous évoquer
ici le cas Mr B. de 57 ans, qui présente le problème d’être
un transsexuel avant la lettre, et de poser la question des liens entre
transexualisme et psychoses.
Dans les années
’30, il se présente en consultation pour demander une opération
pour changer de sexe. A la suite d'un bombardement en 1914, B. quitte son
régiment. "Tout le monde lui en voulait" et part rejoindre
le Pape. "Je m'étais aperçu, en voyant mes camarades,
que je n'étais pas fait comme tout le monde, que j'étais
fait pour porter des jupes". Après la guerre, B. continue à
travailler normalement. En 1933, lors d'un épisode anxieux, avec
auto-accusations, idées délirantes d'empoisonnement, il disait
qu'il était changé en femme. Démissionne de son travail
car n'a plus la considération de ses subordonnés et l'estime
de ses supérieurs, et doit être interné pendant plus
d'un an en maison de santé. Depuis, il vit calmement en famille.
Ce qui prédomine est l'idée d'un changement de sexe avec
un stade obligatoire « hermaphrodite ». Il demande alors de
l'aide pour franchir ce stade et acquérir un type féminin
parfait. « Cela remonte à très loin… dès
ma conception, il y a eu un mélange d'homme et de femme qui a été
influencé par la lune, la séparation doit avoir lieu quand
j'aurais 60 ans, c'est à dire dans trois ans. Tout jeune je me suis
aperçu que mes parties sexuelles étaient très peu
développés. Quand j'avais 7 ou 8 ans on m'habillait en petite
fille […]. Je m'habillerai en femme naturellement, mais je n'irai pas courir.
Je serais susceptible de produire, d'engendrer, d'enfanter. […] J'ai fait
le Thalmud des notaires, c'est la glorification de Marie-Madeleine sous
le nom de Jésus. C'est elle qui a été crucifiée,
ce n'était pas une femme entièrement formée ».
(Fortinau (J.), Durand (Ch.), Vidart (L.), Idées de transformation
sexuelle et travestissement chez deux délirants chroniques, Annales
Médico-Psychologiques, 8 juin 1939, pp. 51-55).
Mais le Président, homme raisonnable
[9]
s’il en est, prend une autre solution. Vers 1899 il nous demande
:
« Je serais curieux
qu’on me montre quelqu’un qui placé devant l’alternative ou de devenir
fou en conservant son habitus masculin, ou de devenir femme mais saine
d’esprit, n’opterait pas pour la deuxième solution » Schreber
(D.), Mémoires d'un Névropathe, Op. cit., p. 151.
P3, Période
ambitieuse de Magnan, Paraphrénie, Verwleibichung chez Schreber
Pour Magnan c'est la période
ambitieuse : « A mesure que la maladie progresse et au bout d'un
temps variable, suivant chaque individu, il se fait une transformation
singulière du délire; aux idées de persécution
succèdent des idées de grandeur. [...] L'idée délirante
est alors émise toujours de la même manière et comme
stéréotypée ». Mais ses vertues vont peut-être
au-delà.
Vers 1899, Schreber a la certitude que
« l'ordre de l'univers est de mon côté [...] et [...]
je montrerai plus tard qu'une émasculation, dans un but conforme
à l'ordre de l'univers est possible et contient même peut-être
la solution probable du conflit ». Sa transformation en femme
se manifeste sur différents versants : celle que le Dr. Weber, un
des experts qui examina Schreber, at bien noté : « l'essentiel
de sa mission rédemptrice résidera d'abord et avant tout
dans l'accomplissement de sa transformation en femme » (Weber,
Expertise médico-légale, in Mémoires d'un Névropathe,
Editions du Seuil, Points, 1975, Annexes, p. 301), c’est-à-dire
devenir la femme de Dieu pour créer une nouvelle humanité;
ensuite, une expérience de jouissance qu'il décrit à
la fois comme une volupté féminine éprouvée
partout dans son corps et comme une béatitude. Comme Tirésias,
Schreber témoigne : « Les nerfs de la volupté ne
se rencontrent répartis dans le corps tout entier que chez la femme,
tandis que chez l'homme, ils sont confinés aux parties sexuelles
». Enfin, il y a la pratique à laquelle il se livre dans la
solitude :. En toute béatitude, il s'accepte donc: « On
me trouve parfois installé devant un miroir ou ailleurs, le torse
demi-nu, et apré comme une femme de rubans, de colliers ».
Il témoigne à ce moment d'ailleurs que le sentiment de la
vie s'est restauré chez lui. En 1902 le Président rédige
ses celèbres Mémoires et quitte enfin l’asile
Maleval situe ce changement subjectif
comme une distinction entre une position paranoïaque et une autre
paraphrénique : « les premiers se révoltent contre
l'Autre jouisseur, tandis que les seconds s'en accommodent »
(Maleval (J. Cl.), Logique du délire, Op. cit., p 185), et consentent.
Le pousse-à-la-femme arrive donc à son ultime stade, avec
l’apaisement du sujet tel que l’énonce Freud :
« Le conflit et
la maladie peuvent à présent prendre fin. Le sens de la réalité,
néanmoins, qui s'est entre temps renforcé chez le patient,
le contraint à ajourner du présent dans un avenir lointain
la solution trouvée, à se contenter, pour ainsi dire, d'une
réalisation asymptotique de son désir ». Freud (S.),
Remarques
psychanalytiques... Op. cit., p. 296.
Mais, Lacan est un peu plus circonspect
:
« Pouvons-nous
parler de processus de compensation, et même de guérison [...]
sous prétexte qu'au moment de la stabilisation de son délire,
le sujet présente un état plus calme qu'au moment de l'irruption
du délire? Est-ce une guérison, ou non? C'est une question
qui vaut la peine d'être posée, mais je crois que ce ne peut
être que dans un sens abusif qu'on parle ici de guérison »
(Lacan J. Le Séminaire, Livre III,
Les Psychoses, Op. cit.,
p. 99).
Nous devons peut-être ajouter ici
que Schreber a été plus fidèle à Magnan qu’à
Freud. En 1907, il est réhospitalisé après la mort
de sa mère et la maladie de sa femme dans un état de démence
qui constitue la dernière étape du délire chronique
systématisé de Magnan.
VI - CONTINUITE ET
DISCONTINUITE DANS LES PSYCHOSES
Le pousse à la femme tel qu’il
apparaît chez Schreber, est aussi exemplaire du « delire chronique
à évolution systématisée » de Magnan,
un paradigme de la continuité dans le travail délirant, dans
la syntaxe imaginaire évoquée par Henri Ey qui va de l’expérience
enigmatique à la certitude du savoir. Magan avec sa notion de bouffée
délirante, une expérience délirante primaire au sens
fort que plusieurs auteurs ont donné à ces tableaux, nous
offre le paradigme de la discontinuité dans les psychoses, mieux
illustré par son aforisme « un coup de tonnerre dans un ciel
serein », qui sème le désordre dans toute syntaxe imaginaire.
C’est ce que la notion de « polymorphisme » est venue signifier
: cela ne prend pas forme.
La femme
tue une femme
Le cas que nous présente G. Nusinovici,
met en lumière les problématiques rapports entre continuité
et dyscontinuité dans le champ des psychoses, et dans le pousse
à la femme en particulier. Ironiquement, nous pourrions parler de
bouffée
delirante sur fond de délire chronique, de manière à
mettre sous tension les deux paradigmes cliniques de Magnan.
Il s’agit d’une femme de 47 ans, Mlle
A., dont on connaît vaguement ses antécédents psychiatriques
de type dépressif et idées de suicide qui remontent à
son enfance. Elle se présente très fière comme «
célibataire et intérmaire », ne dépendant d’aucun
homme. Ceci pour marquer des différences avec sa mère, dépendante
et soumise à son père, malgré le fait de lui être
tellement proche qu’elle peut dire « ma mère et moi c’est
pareil, c’est comme si j’étais ma mère ». Elle l’a
souvent protégé contre son père des attaques sexuelles
qu’elle assimile à des tentatives de viol, voire de meurtre. Mlle
A. A toujours haï son père, « un être dégradé
», et elle avoue avoir voulu le tuer pour libérer sa mère.
Ses parents étaient propriétaires d’un café épicérie
mal fréquenté où elle cotoyait des prostituées
venues se reposer entre deux clients.
Anne se descrit comme une justicière
investie d’une mission : établir l’égalité entre hommes
et femmes. Elle incarne la vertu : vierge et pure, rejettant le fait d’être
« une femme ». Agée de 21 ans, quitte la maison. Lorsque
sa mère subit un accident cérébral, revient auprès
d’elle avec la certitude qu’elle seulement pourra la sauver de sa maladie
(même alors que sa mère récupère très
vite). Elle croit que sa mère n’aime que sa personne et déploie
beaucoup d’energie pour éviter que de tiers s’interposent dans leur
relation. Dans cet univers, une idée commence à se forger
: son père aurait essayé de la violer
Se déclenche alors un amour érotomaniaque
avec l’homéopathe de sa mère, qu’elle consulte aussi. De
manière assez classique, elle a le sentiment d’être la seule
femme aimée par lui, et tous les indices sont bons à prendre
: attraction mutuelle, regards croisés et appuyés. Ce médecin
bien intentionné, lui suggère de trouver une place dans une
maison de retraite car elle « ne tiendra pas le coup » de se
charger ainsi continuellement de sa mère. Enveloppée dans
cet amour érotomaniaque, sa mère devient un obstacle pour
elle. Se déclenche alors un délire interprétatif où
elle se sent devenir le centre du monde, tous les faits de l’univers lui
sont destinés et lui suggèrent d’abandonner sa mère.
Prise dans un tourbillon d’angoisse, pense que l’une ou l’autre doit mourir.
C’est alors qu’apparait « la voix
télépathique », d’abord insensée : « pardone-lui
». Puis cette présence xénopathique se met à
donner des ordres : « Tue-la », « étrangle-la
» ! La voix lui fait la promesse de la rejoindre et de construire
ensemble une vie nouvelle. Mlle A. tue sa mère sous injonction de
la voix télépathique. Le sens de son acte lui devient clair
: finir avec « le cycle des femme mauvaises » et « libérer
les femmes ». Après l’acte elle accède à l’identification
avec La Femme : désormais, les voix qui parlent sont celles de tous
les Dieux, qui lui promettent de la réconcilier avec son corps de
femme, et de l’amour charnel atteindre l’amour universel ». Elle
sera La femme offerte à tous les hommes et à Dieu, «
La Femme universelle » qui crée une nouvelle religion au-dessus
des autres religions et un nouveau monde où règnera la justice
et l’harmonie.
Après un passage par la prison,
elle est hospitalisée dans un centre médico-judiciaire pendant
un mois, puis transferée sur son secteur. A l’image de l’Aimée
de Lacan, c’est là que tout l’édifice se déconstruit.
Elle commmence progressivement à montrer une incertitude et à
s’interroger sur ce qu’elle désigne comme « sa bouffée
délirante, sa folie, sa mégalomanie ». Elle exprime
un sentiment de honte à aborder certains actes qu’elle commence
à reconnaître comme de la pure folie : se coucher nue dans
la rue, mettre des roses dans son vagin.
Néanmoins, si elle reconnaît
comme pure folie cet épanouissement d’un système du monde
où elle est entièrement absorbée dans son identification
à La Femme, elle précise : « Les Dieux sont tout-puissants,
s’ils ont décidé de supprimer ma mère c’est que c’était
bien : on ne peut pas désaprouver la décision de tous les
Dieux ». Progressivement son état se stabilise, accentuant
une distance critique envers sa « bouffée délirante
», où elle dépose le tout de sa folie. Cette négation
croissante de son pousse à la femme aura un effet pacifiant paradoxal
et elle n’en fera plus jamais référence. (Nusinovici
(G.), Acte criminel et critique du délire, in
Cahiers de l’Association
pour une Fondation Henri Ey, N° 6/7, 2002, pp. 193-200).
VII - PSYCHOSES NON
DÉCLENCHÉES ET TRANSEXUALISME
Après ce parcours dans les narratives
délirantes habituellement rencontrés dans le milieu psychiatrique
hospitalier, il faudrait pouvoir confronter cette notion à la clinique
particulière des psychoses non-déclenchées, dont certaines
séjournent parfois à l’hôpital. La notion de lacanienne
sinthome s’accommode bien du pousse à la femme ?
Certains éléments cliniques
chez l’écrivain Joyce pourraient le faire penser. Aussi, le sinthome
qu’identifie Ludwig Binswanger dans son cas Jurg Zund, est un maniérisme
en tant que forme de l’existence, un maniérisme féminisé
: se prendre pour « la femme qui manque au regard des autres ».
Ce patient, est hospitalisé à Kreutzlingen depuis 15 ans.
Riche et de bonne éducation Jürg Zünd quitte sa maison
seulement la nuit pour éviter tout contact avec les autres. Sur
la question diagnostique les médecins ne sont pas d’accord : pour
certains il est schizophrène, pour d’autres schizoïde. Pour
Binswanger le patient souffre d’une schizophrénie simple, «
polymorphe
» car revêtue des symptômes pseudo-névrotiques.
Depuis qu’il est enfant, il vit de manière conflictuelle «
le monde de la rue », libre et tumultueux, « le monde prolétaire
de la jouissance sexuelle » où il se sent exposé au
regard des autres, un autre monde, celui artistocratique de ses grands
parents maternels qui le chérissent, et puis celui conflictuels
où se disputent ses parents. Le fait de ne pas se retrouver dans
aucun monde lui donne très précocement l’idée qu’il
doit mourir. Enfant, Jurg Zund se sent dénudé par le regard
des autres, exhibé et transpercé par le regard du monde prolétaire.
A l’adolescence il a peur de tomber en ridicule s’il est aperçu
en érection, autrement dit pris pour un prolétaire. Alors
pour se protéger il adopte son maniérisme. A l’école
il a peur d’attirer le regard s’il fait des « mouvements indécents
». Pour masquer son intérêt prolétaire pour les
autres il adopte une attitude qui montre justement ce qu’il veut masquer.
Binswanger commente : « Lorsqu’il faisait un pas, il poussait une
épaule vers l’avant, puis l’autre ; il agitait les bras de manière
si voyante que l’idée de passer inaperçu se transformait
en son opposé : dans l’impression de maniéré, affectée
ou factice. Sur ces bases, et celle de sa manière particulière
de marcher, sa suspicion d’attirer l’attention objectivement fondée
».
Enfin, que penser du pousse à
la femme chez les « enfants féminins », chez qui un
effet de féminisation précoce est répéré
par Robert Stoller dans ses études sur le transsexualisme
dès l’âge de un à deux ans? (STOLLER (R.), Masculin
ou féminin. Le fil rouge, París, Presses Universitaires
de France, 1985, p. 71) ?
Sur ces questions, pastoutes tranchées,
laissons place à la discussion.
__________________________
Autres textes
El
goce ilimitado de la Ninfa
Angustia
biopolítica
Warburg
avec Binswanger
L'anxiété
morbide Etude bioplitique de Henri Ey
Giorgio
Agamben et la mélancolie : philosophie de la clinique
Ey
et Lacan : la folie entre corps et esprit
Le
capitaliste fou
Délires
transexualistes ou le pousse à la femme
Notes
__________________________________
1 Ce que Lacan conteste
en 1956 : « L'homosexualité prétendue déterminante
de la psychose paranoïaque, est proprement un symptôme articulé
dans son procès. [...] Si Freud met tellement l'accent sur la question
homosexuelle, c'est d'abord pour démontrer qu'elle conditionne l'idée
de grandeur dans le délire, mais que plus essentiellement il y dénonce
le mode d'altérité selon lequel s'opère la métamorphose
du sujet » (Lacan (J.), D'une question préliminaire...,
Ecrits,
Seuil, 1966, p. 544).
2 Après
avoir traité de la question à différents moments de
son enseignement Lacan formule sa dernière articulation sur la question
en 1973"Je pourrais ici, à développer l'inscription que
j'ai faite par une fonction hyperbolique, de la psychose de Schreber, y
démontrer dans ce qu'il a de sardonique l'effet de pousse-à-la-femme
qui se spécifie du premier quanteur: ayant bien précisé
que c'est de l'irruption d'Un-père comme sans raison, que se précipite
ici l'effet ressenti comme de forçage, au champ d'un Autre à
se penser comme à tout sens le plus étranger" (Lacan
(J.), L'Etourdit, in Scilicet N° 4, Ed. du Seuil, 1973, p. 22).
3 Selon
la logique Aristotélicienne nous avons :
1° Les propositions
universelles: Universelle affirmative : "Tout homme est menteur".
Universelle négative
: "Nul homme n'est menteur".
2° Les propositions
particulières : Particulière affirmative : "Quelques hommes
sont menteurs".
Particulière négative
: "Quelques homme ne sont pas menteurs".
4 «
Le phallocentrisme de toute sexualité ne fait plus débat,
dès lors qu'il signifie que personne n'échappe à la
castration, entendue comme sacrifice de jouissance ». Silvestre
(D.), La question féminine, in La Cause Freudienne N° 24, Juin
1993, L'Autre Sexe, p. 41.
5 Lacan
dit à propos des mystiques hommes : « Malgré, je
ne dis pas leur phallus, malgré ce qui les encombre à ce
titre, ils entrevoient, ils éprouvent l'idée qu'il doit y
avoir une jouissance qui soit au-delà". Lacan (J.), Le Séminaire
Livre XX, Encore..., Op. cit., p. 70.
6 Lacan,
lorsqu'il dit que c'est dans la clinique de Sonnenstein, que « son
délire va passer par toute une série de phases dont il nous
donne une relation extrêmement sûre, semble-t-il, et extraordinairement
composée, écrite dans les derniers mois de cet internement
» (Lacan (J.), Le Séminaire Livre III, Les Psychoses,
Op. cit., p. 34).
7 «
En
rapprochant les deux définitions, le retour de la jouissance dans
l'Autre qualifiant la paranoïa, et le retour de la jouissance dans
le corps qui complète, nous obtenons une distribution des expériences
énigmatiques de jouissance dans la paranoïa et la schizophrénie
» (Laurent (E.), Trois énigmes: le sens, la signification,
la jouissance, in La Cause Freudienne N° 23, Février
1993, pp. 48-49).
8 «
Dans
la perspective schizophrénique, le mot n'est pas le meurtre de la
chose, il est la chose. [...] Pour le paranoïaque, le mot n'est pas
assez le meurtre de la Chose, puisqu'il lui faut à l'occasion frapper
la chose, le kakon, en l'Autre » Miller (J. A.), Clinique Ironique,
La
Cause Freudienne N° 23, Février 1993, p. 9.
9 C’est
le celèbre « reste de raison » que découvrait
Ph. Pinel et qui avait tant impréssioné Hegel . Il note dès
son arrivée à Bicêtre : « Les erreurs de raisonnement
sont bien plus rares parmi les fous qu’on ne le pense, car en admettant
un certain nombre d’idées dont ils sont préouccupés,
ils en tirent avec justesse des indications sûres. Le septuagénaire
aux cheveux blancs qui vit encore dans l’hospice de Bicêtre et qui
se croit une jeune femme est très en accord avec lui-même
sur les conséquences qu’il en tire, puisqu’il refuse avec obstination
tout autre habit que celui d’une femme, qu’il met une certaine recherche
dans sa parure, qu’il est flatté des prévenances qu’on lui
fait et de l’espoir dont on le berce d’un mariage prochain, qu’enfin sa
pudeur paraît s’alarmer du moindre geste contraire à la décence
» (Pinel (Ph), Observations sur la manie pour servir l’Histoire naturelle
de l’Homme, 1794, in Postel (J.) Textes essentiels de la pscyhiatrie, Larousse,
1994).