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Duras, de la maladie de la mort au mal dit de la mère
Dr Didier MION
Hôpital Robert Ballanger - Aulnay sous Bois
Décembre 1997

RESUME
Le théâtre de Bobigny vient de donner dans une mise en scène de Bob Wilson le texte de Marguerite Duras, La Maladie de la mort. Nous dégageons l'insistance des thèmes durassiens autour d'une scène primitive toujours marquée de violence. L'acte sexuel est " fait par distraction" mais l'homme a un désir absent, il est atteint de cette maladie de la mort. Le dégoût, la lèpre, l'oralité destructrice infiltrent les relations de couple. Il y a clivage entre la femme idéalisée et la prostituée. Les hommes durassiens sont faibles, féminins, sans désir, ils pleurent. Duras écrit la séduction de ces hommes par une femme phallique. La mère de Duras n'a pu nommer la mort du père. Un deuil forclos a généré une position mélancolique. Cette mère pense donner sa fille au bordel et monnaye l'amour de sa fille. C'est le mal dit de la mère qui est contingent du fantasme de Duras, un enfant est vendu par sa mère. L'idée d'une jouissance sans bord, liée à la pulsion de mort et non médiatisée par le désir évoque une position perverse. L'écriture a permis une sublimation dans cette proximité de la folie où Duras se dit " condamnée à écrire".
 

En préalable à ce travail, et pour un lecteur qui n'aurait pas vu la pièce, je voudrais présenter quelques phrases écrites par MAURICE BLANCHOT sur la pièce dans son texte " la communauté inavouable" :

" C'est simple - un homme qui n'a jamais connu que ses semblables, c'est à dire seulement d'autres hommes... et une jeune femme, liée par un contrat payé pour quelques nuits... rapport seulement contractuel... parce qu'elle a pressenti dès l'abord. qu'incapable de pouvoir aimer, il ne peut s'approcher d'elle que conditionnellement... de même qu'elle s'abandonne en apparence entièrement, mais n'abandonne que la part d'elle-même qui est sous contrat, préservant ou réservant la liberté qu'elle n'aliène pas... . Cette impuissance n'est nullement l'impuissance banale d'un homme défaillant, face à une femme qu'il ne saurait rejoindre sexuellement. Il fait tout ce qui doit être fait. Elle le dit avec sa concision sans réplique " cela est fait". Davantage, il lui arrive " par distraction " de provoquer le cri de la jouissance... Mais comme rien en lui ne correspond à ces mouvements excessifs... il les réprime, il les annule...

Le manque de sentiment, le manque d'amour, c'est cela, donc qui signifierait la mort, cette maladie mortelle dont l'un est frappé sans justice et dont l'autre apparemment est indemne, bien qu'elle en soit la messagère et, à ce titre, non dégagée de responsabilité. "

Comme dans toutes les histoires de DURAS nous avons là aussi un tiers, narrateur ou observateur de la relation entre un homme et une femme.

Cette mise en scène de couple est présentée comme générique et interchangeable

Premiers mots de la pièce : " Vous devriez l'avoir trouvée partout à la fois "

Ce partout à la fois pour désigner la relation d'un couple, cette répétition signe la place fantasmatique que cela revêt pour DURAS.

Cette relation de couple supporte ce qu'on nomme "scène primitive " au sens qu'on lui donne en psychanalyse,

C’est à dire une scène de rapport sexuel entre les parents observé ou supposé d'après certains indices et fantasmes par l'enfant.

La place du tiers est constante dans ses textes ne serait ce que dans le narrateur.

Si bien que l'on peut énoncer une première formule du fantasme chez DURAS :

" Un couple fait l'amour", c'est ce qu'elle imagine toujours et s'en approche par la saisie dans l'écriture.

C'est la répétition de cette scène qui s'écrit de façon litanique chez Duras qui signe le fantasme.

" Voir l'amour se faire ". Cette image qui concerne la pulsion scopique est écrite de façon répétitive et presque obsédante.

Mais la particularité de cette scène chez Duras c'est qu'elle est imprégnée de violence et de pulsion de mort.

D'ailleurs elle est écrite avec des formules comme "C'est fait " ou " c'en est fait ", paroles qu'on utilise en général pour désigner les derniers instants de la vie.

Voyez les déclinaisons que cela peut prendre :

Dans MODERATO CANTABILE un homme est couché sur une femme morte. Celui qui la désire est aussi son assassin.

Dans HIROSHIMA MON AMOUR nous voyons une femme couchée sur le corps d'un homme en train de mourir même si cela ne doit pas se renouveler. Il est d'ailleurs question de la ville de NEVERS, never en anglais c'est " jamais". Jamais qui fait écho au toujours du fantasme.

Dans le VICE-CONSUL, on lit ceci :

" Son corps allongé parait privé de son volume habituel. Elle est plate, légère. Elle a la rectitude simple d'une morte. "

Pour LOL V STEIN c'est la fin du monde dans ce : " chair à chair" du couple qu'elle voit. Duras dit qu'elle a le corps " en cendre" dans une minute du temps pur. C'est à dire l'idée d'une pureté sans conflit qui signe la pulsion de mort. Apaisement de toute tension.

Mais cela n'est pas si pur car cette scène (un couple fait l'amour) est marquée du dégoût autre face possible du manque de désir dans la pièce. Le dégoût comme énoncé défensif face à l'insistance répétitive du fantasme.
 
 

LE DEGOUT

Dans " LA VIE TRANQUILLE" le dégoût que ressent FRANCOU, lorsqu'elle entend l'acte sexuel entre son oncle et sa tante va jusqu'au meurtre du frère.

La scène primitive se mue en rage et dans le passage à l'acte, autre forme de maladie de la mort qui met le mâle à mort.

Je parlerai plus loin de la haine que Duras nourrissait à 'l'égard de son frère aîné, figure paternelle adorée de la mère.

Voici une autre représentation durassienne où le dégoût est sous -jacent : " Clémence devait avoir un ventre mou, des seins laiteux et en bas une forme molle vite enfoncée"

Dans LA MALADIE DE LA MORT, je lis "jeter un corps de ce poids dans la mer montante afin que le lit soit exempt de cette puanteur d'héliotrope et de cédrat. " Souvenons nous que l'héliotrope c'est en latin " pierre précieuse" mais aussi plante qui se tourne vers le soleil. La mer montante est envahissante comme l'était la mère de DURAS qui préférait le frère aîné PIERRE, Stein haï par DURAS.
 
 

LA MALADIE DE LA LEPRE

Autre répétition dans le texte de DURAS dans la période d'INDIA SONG C'est la maladie de la lèpre.

Ce dégoût pour cette scène sexuelle se concrétise dans la prégnance de la lèpre dans ses écrits, maladie de la mort redoutée dans l'Inde de son enfance.

Elle parle du corps en terme de chair au bord de la transformation en boue et lèpre.

Dans LOL V STEIN : " Il embrasse cette main, elle avait une odeur fade de poussière"

Il dit : "s'enliser dans la profondeur des chairs ".

Plus loin, DURAS parle d'une fillette rongée par les vers.

Et encore : "TATIANA sort d'elle-même, se répand par les fenêtres ouvertes, sur la ville, boue liquide, marée de nudité. Cette marée submerge l'homme, l'envahit de terreur" J'ai relu ces passages en résonance à la pièce.

Cette boue noire est une métaphore de la mort.

Le rapport sexuel devient mortel et terrifiant : le corps trop sexué par une jouissance pulsionnelle sans bord est condamné à se fondre en boue.

Cette crasse, cette vase, s'acharne sur le corps féminin c'est le cas de la mendiante dans le VICE CONSUL.

Nous verrons qu'à ce corps sexuel lépreux, s'oppose la beauté mythique et idéalisée de la femme "toute ", ANNE MARIE STRETTER , la belle ambassadrice qui ressemble à la femme de la maladie de la mort.

Nous avons là le clivage que décrit FREUD dans " RABAISSEMENT DE LA VIE AMOUREUSE ". Opposition entre courant tendre et courant sensuel dit- il.

" Là où ils aiment, ils ne désirent pas et là où ils désirent, ils ne peuvent aimer" Mais FREUD écrivait plutôt pour les hommes.

Ce que DURAS écrit c'est que cette lèpre du corps, ce continent noir de la sexualité féminine comme dit FREUD effraie les hommes. C'est DURAS qui est narratrice de cette maladie de l'homme.

Cette lèpre est aussi celle du cœur comme elle l'écrit dans " INDIA SONG" , c'est un substitut de la folie.

La mendiante sans père, sans mari est une lépreuse en puissance et elle vend son enfant. Là aussi référence à faire avec le contrat payé de la pièce.

C'est finalement assez proche du vécu de Duras. Ces femmes sans homme souffrent de la lèpre, souffrent du père.

Chez DURAS le nom du père "DONNADIEU" sera expulsé. Le mot "lèpre" peut se lire comme l'anagramme du mot père, absenté.

Progressivement dans l'œuvre le mot lèpre disparaît des textes mais subsiste la maladie instable qu'il désigne.
 
 

Elle écrit : " la mort dans une maladie en cours mais qui ne vous rejoindrait jamais".

"En quoi la maladie de la mort est-elle mortelle. En ceci que celui qui en est atteint ne sait pas qu'il est porteur d'elle, de la mort".

Voilà la misère de l'homme, il ne sait pas qu'il est porteur d'elle.
 
 

ORALITE DESTRUCTRICE

Mais cette maladie de la mort c'est aussi l'oralité destructrice que DURAS met en scène dans ses écrits.

C'est une recherche avide et désespérée d'une fusion absolue de caractère oral. L'organe le plus sexualisé et le plus érotique dans ses écrits c'est la bouche.

Dans son texte " le BOA" la grande jouissance est d'aller voir un boa avaler un poulet vivant. Elle dit " cette paix après ce meurtre "et aussi :

" En dehors de la maison, il y avait le boa, ici il y avait mes seins
 
 

Cette dévoration castratrice se retrouve dans le VICE CONSUL :

"Elle vient de voler un poisson salé. Elle le met dans sa robe, entre ses seins. Un homme s'arrête et la regarde. Elle rit de ce ventre. Elle met les dents dans le poisson ".

On imagine la lecture que Mélanie KLEIN aurait fait.

L'homme est arrêté par le désir féminin dévorant.

Une femme, donc DURAS écrit la fuite d'un homme devant la représentation d'un sexe féminin désirant. L'homme sans désir est malade dit-elle.

Par rapport à cette oralité voici ce qu'écrit DURAS sur sa mère :

" Elle avait un appétit de pouvoir et de puissance jamais satisfait et, il lui restait cette démesure là ; ce grand appétit vengeur de toute nourriture "

AMOURS IMPOSSIBLES
 
 

S'il y a passage à l'acte, pénétration sexuelle," il le fait " dans la pièce, l'acte d'amour est impossible dans le texte durassien.

Au-delà de ce que nous avons dit du dégoût et de la mort qui rode, DURAS nous rend compte au mieux de l'impossibilité du rapport sexuel précisé par LACAN au sens où il ne peut s'écrire ce rapport, il n'y a pas de concordance des termes.

Mais l'illusion persiste, elle met constamment en texte une jouissance espérée toujours ratée.

L'acte textuel remplace l'acte sexuel.

L'abstinence peut même être posée en principe comme dans le Navire Night où un homme et une femme se parlent au téléphone pour ce que DURAS nomme " orgasme noir". Noir, couleur aussi de la mort.

Le vice-Consul dit à Anne Marie STRETTER : " Il est tout à fait inutile qu'on aille plus loin vous et moi"

L'impossible s'origine dans une mystification du féminin inaccessible.

La femme de la maladie de la mort fait penser aux héroïnes des autres textes, en particulier ANNE MARIE STRETTER.

Cette ambassadrice que la petite MARGUERITE aperçoit dans sa voiture sans lui parler déclenche un appel à l'écriture. Elle parle de sa beauté inoubliable

" j'avais le sentiment d'avoir été brûlée sur son passage. Je suis exténuée par sa beauté"

On racontait qu'un jeune homme s'était suicidé pour elle.

Duras dit " Elle est d'une beauté presque invisible, provoquant l'amour et la mort".

Du mystère qui émane de cette femme, de sa transparence diaphane elle forge l'image indélébile, absolu d'une correspondance entre l'amour et la mort. D'ailleurs dans INDIA SONG, elle rejoint la mer en se noyant.

C'est la femme " toute", qui n'existe pas comme le dit LACAN, et DURAS fantasme le désir de 'l'homme pour une telle femme s'il n'était pas porteur de cette maladie.

Cette fusion narcissique, cet absolu de la jouissance, DURAS n'en a dépassé la portée mortifère que dans la sublimation par l'écriture.

" Elle m'a condamné à écrire" dira -t- elle.

Contre cette marée destructrice il fallait d'autres barrages.

Dans son livre " LE BARRAGE CONTRE LE PACIFIQUE" nous voyons la mère qui s'est fait rouler par les hommes qui lui ont vendu une terre inondable perdre ses récoltes car la marée inonde ce terrain non viable et les crabes font des trous dans les barrages. Il a manqué le dit d'un homme pour calmer la mère.

Alors cette mère se déchaîne, elle dit : " Si je n'ai pas l'espoir que mes barrages peuvent tenir cette année, alors il vaut mieux que je donne tout de suite ma fille à un bordel"

Si les défenses, si les barrages s'effondrent alors la mère bat d'une pulsion inquiétante et mortifère et alors autant le faire, cet acte à la façon du bordel là aussi dans un contrat payé, dans une jouissance.

Vous voyez comment le mal dit de la mère a bercé l'imaginaire de l'enfant qui se représente le bordel qui figure dans plusieurs livres et dans la pièce il y a ce contrat payé.

Elle dit à propos du bordel" On allait se faire laver, se nettoyer de sa virginité, s'enlever la solitude du corps"

L'autre limite qui aurait pu faire bord chez Duras c'est l'interdit de l'inceste. Hors cette limite est souvent franchie ou bien elle est marquée de façon défensive en terme d'impossible.

DURAS vouait un amour immense à son petit frère PAUL mort pendant la guerre. Elle écrira une relation incestueuse avec lui.

Petit frère qui est en fait de deux ans son aîné mais cette faute signe la place au fantasme.
 
 

Elle écrit dans la vie tranquille : " Moi seule pouvais l'aimer à ce moment- là, l'enlacer, embrasser sa bouche, lui dire, NICOLAS mon petit frère".

Clivage entre l'impossible du rapport sexuel avec la femme "toute", idéalisée ou jouissance absolue, mortifère, le bordel des pulsions. Dans la maladie de la mort : ne pas désirer puis le faire subitement "par distraction dit-elle".

LA MASCULINITE VUE PAR DURAS
 
 

Il y a deux types d'hommes qui s'opposent dans un clivage

Souvent, elle écrit la narration d'un homme qui met en scène des fantasmes féminins de pouvoir masculin. Au sadisme de l'homme répond le masochisme de l'héroïne durassienne.

Dans " L'HOMME ASSIS DANS LE COULOIR" elle écrit :

" Elle dit qu'elle désire être frappée. La main de l'homme se dresse, retombe et commence à gifler. Doucement puis sèchement. Elle dit qu'oui c'est ça. Elle relève son visage afin de s'offrir mieux aux coups. Le visage est vidé de toute expression étourdie, il ne résiste plus du tout, lâché, il se meut autour du cou à volonté comme chose morte. " Voyez la violence de la scène primitive.
 
 

Dans le ravissement de LOL V STEIN : " Son corps chaud et bâillonné, je m'enfonce, je me greffe, je pompe le sang de Tatiana, sous moi elle devient lentement exsangue"

Si c'est Jacques HOLD qui parle, c'est Duras qui écrit son fantasme.
 
 

Dans " LA MALADIE DE LA MORT" p 21 : " Le corps est sans défense aucune. Il appelle l'étranglement, le viol, les mauvais traitements, les insultes, les cris de haine, le déchaînement des passions entières, mortelles". Pulsion entière, pulsion de mort.

Dans " LA VIE MATERIELLE" " c'est là (dans le vagin) que notre amant nous assène les coups les plus forts, que nous le supplions de donner pour qu'ils se répandent en écho dans tout notre corps, dans notre tête qui se vide. C'est là que nous voulons mourir".
 
 

Et enfin le célèbre " tu me tues, tu me fais du bien " d' HIROSHIMA MON AMOUR " dévores moi, déformes moi jusqu'à la laideur".

Nous voyons que l'érotique durassienne nécessite un mâle à la virilité sadique. Il peut n'être que çà, et sa position sociale est de peu d'importance.

Duras méprise ces formes conventionnelles de masculinité.

Elle écrit à propos de l'homme : " il est un accident secondaire de nature interchangeable dans la vie de l'héroïne".

C'est le cas de l'aspect archétypique de l'homme de la pièce.

Il compte seulement pour la fonction qu'il occupe dans l'imaginaire de DURAS.

A coté de ces hommes sadiques qui déclenchent le désir féminin et qui sont souvent les maris des héroïnes, il y a des hommes à la masculinité détruite, à la sexualité inexistante.

Donc nous avons d'un coté des hommes sexuellement phalliques, sadiques qu'elle désire avec masochisme mais dont la masculinité comprise dans un sens social est abrasée et inutile.

De l'autre, des hommes émasculés qui fascinent Duras par leur marginalité sans déclencher l'érotisme. C'est le fantasme qui y trouve son compte.
 
 
 
 

Voici comment elle décrit l'homme de " L' AMANT " : " Il pourrait avoir été malade, être en convalescence, il est imberbe sans virilité aucune autre que le sexe. Il est très faible, il parait à la merci d'une insulte, souffrant, il gémit, il pleure".

L'amant n'est phallique que par la limousine noire mais elle appartient au père. Ce fils à papa est entretenu par le père à la figure paternelle pitoyable.

Elle décrit des rapports proches de la prostitution " je préférerais que vous m'aimiez pas, que vous fassiez comme d'habitude avec les femmes". Cela pourrait être une réplique de la pièce.

L'amant est ramené au rang de merveilleux instrument par lequel la jouissance arrive.

C'est cette féminité qui plaît à Duras. Peut-être que dans le corps faible du chinois, elle retrouve son propre corps en tant que celui de son jeune frère.

Les hommes chez Duras sont féminisés. Leur virilité est circonscrite à leur pouvoir sexuel. La masculinité est érigée sur fond de féminin. Dans tous les livres ses hommes se répandent en mer de pleurs.

Elle défait ce pivot de la mythologie masculine dont elle s'arroge le pouvoir de domination en étant narratrice de sa propre histoire.
 
 

Dans " L'HOMME ASSIS DANS LE COULOIR" elle parle du sexe de l'homme qu'elle désigne avec le pronom féminin " elle ".

" Elle est d'une forme grossière et brutale"

L'homme est décrit comme étranger à son sexe qui est je cite : " plantée dans l'homme, autour de quoi il se débat au bord des larmes et cris".

Cette place masculine est corrélative du gommage voulu de la figure paternelle tôt disparue.

Dans " L'AMANT" le fils aîné arrive à occuper de façon perverse la place du père auprès de la mère, ce qui déclenchait la rage jalouse puisque c'était le cas dans sa famille.
 
 

L'homme de "LA MALADIE DE LA MORT" est aussi circonscrit à la virilité de son pouvoir sexuel. " Il l'a fait "

Il est phallus le temps d'un orgasme mais il reste sans désir ou avec un désir ailleurs. Il est dominé par la femme interprétée par l'actrice LUCINDA CHILD, femme sirène rallongée dans son fourreau phallique. Les robes d'ANNE MARIE STRETTER sont à double fourreau.

On peut dire que le "je " Durassien écrivant est phallique.

L'homme de la pièce est sensé désirer son semblable.

Duras avec la figure de l'homosexuel, se sert de levier pour défaire la masculinité.

Elle se sert avec habileté de l'homosexualité comme pierre d'achoppement du système.

Déjà le vice-consul était l'homme vierge, un peu mort et avait eu une histoire peu claire avec son boy.

Elle écrit : " Il n'a jamais été hors de l'effort d'aimer" mais il n'est " jamais parvenu au bout de son effort".

Il demandait " Par qu'elle voit se prend une femme " et Duras lui fera répondre

" par la tristesse s'il m'était permis de le faire".

L'homme de la maladie de la mort est perçu comme mort par la femme :

" Vous ne connaissez que la grâce du corps des morts, celle de vos semblables".

Cette vision de l'homosexualité correspond à un moment particulier de la vie de Duras.

Même si elle écrit quelque part : " l'histoire de ma vie n'existe pas" comme si nous allions réduire la place du fantasme, nous savons qu'elle traite de sa rencontre avec YANN ANDREA, homosexuel.

"Quand j'ai écrit la maladie de la mort, je ne savais pas écrire sur Yann".

Elle écrit à propos de la venue de Yann le 30 août 1980 : " C'est sans doute le plus inattendu de cette dernière partie de ma vie qui est arrivé là, le plus terrifiant, le plus important".

Et encore dans la vie matérielle : " Il m'est arrivé cette histoire à soixante cinq ans avec YANN homosexuel"

Donc voilà une audace qui les dépassera tous deux dans un mélange de salut et de perdition et c'est elle qui parle de perdition près de la mer.

Dans la pièce la mer omniprésente est derrière le mur pour cette perdition dans la mort.

Dans cette perdition le père ne dit mot pour médiatiser le vacarme de la mère.

Nous savons que la perdition ne fut pas totale puisque Yann l'aidera à lutter contre le Dieu - alcool et permettra par une relance symbolique, une nouvelle écriture du fantasme, une sublimation.
 
 

A propos de " LA MALADIE DE LA MORT", nous pourrions écrire après " un couple fait l'amour " une deuxième formule fantasmatique qui serait :

" une femme phallique séduit un homme sans désir."

Elle trace une rencontre entre un homosexuel aimant une femme d'un amour impossible et une femme dont la détresse sexuelle est hantée par un désir sans satisfaction.
 
 
 
 

Peut-être que Duras aurait bien voulu être comme lui hors norme, hors d'atteinte.

Il se répète chez Duras une quête à jamais nostalgique du même comme autre. C'est une position mélancolique que je vais développer.
 
 

POSITION MELANCOLIQUE
 
 

Elle est liée aux effets du deuil forclos

En négatif s'imprime la mort du père.

Le père de Marguerite, Emile DONNADIEU était professeur de mathématiques nommé à PHNOM PENH, directeur de l'enseignement aux colonies.

Il est rentré en FRANCE à DURAS en DORDOGNE pour soigner une dysenterie.

Il est décédé mais rien ne fut dit aux enfants. MARGUERITE avait 4 ans, elle n'apprendra la mort de son père que 3 ans plus tard.

La mère n'avait pas pu nommer cette mort pour lui reconnaître une place symbolique. Deuil forclos de la mère.

Elle écrit :" J'étais très jeune lorsque mon père est mort. Je n'ai manifesté aucune émotion... Aucun chagrin, pas de larmes... pas de questions. Il est mort en voyage. Quelques années plus tard, j'ai perdu mon chien... Mon chagrin fut immense. "
 
 

C'est ensuite dans ses quelques séances d'analyse qu'elle raconte son deuil différé à la mort de son petit chien jaune tué par des enfants. Ses histoires resteront peuplées de chien.

Plus tard, elle réalise qu'il est mort le 4 avril, jour de sa naissance, gravée sur la pierre tombale qui se retrouvera dans le STEIN de son héroïne LOL.
 
 

Dans cette famille, la mort n'a été évitée qu'au prix du silence et de la pétrification. Famille de Pierre, Stein, et ce lieu dit S-THALA où est née LOL V STEIN se retrouve dans ses écrits. Nous pouvons l'entendre résonner comme thalassa, thanatos, la mort.

L'absence et le trou symbolique dévoilés par la mort du père (le mal dit ou plutôt le non dit de la mère) ont baigné cette famille dans des rapports mortifères ou la mort fait retour dans le réel sous forme de maladie chronique de la mort.

Dans "L'AMANT " elle écrit" je lui dis que dans mon enfance le malheur de ma mère a occupé le lieu du rêve".

Heureusement, elle va trouver une filiation symbolique en se nommant DURAS et en quittant son patronyme, Donnadieu.

En 1943 avec son premier livre " LES IMPUDENTS", l'impudence de Marguerite est d'échapper à ce " donné à Dieu" et de se nommer DURAS, ou de se donner DURAS hors de la loi de la transmission paternelle et symbolique.

Elle abandonne le nom propre alors qu'il est le seul qu'on ne s'attribue pas à soi même, à l'instar de LOL V STEIN, LOLA VALERIE à l'origine.

Elle choisit de se nommer DURAS, pays du vin côte de DURAS en Dordogne, lieu du père.

Cette suppléance symbolique n'évitera pas des moments de dépersonnalisation.

Dans son dernier texte " c'est tout" elle écrit :

" quelquefois, je suis vide pendant très longtemps. je suis sans identité. Ca fait peur d'abord. Et puis ça passe par un moment de bonheur. Le bonheur c'est à dire morte un peu. Un peu absente du lieu où je parle. ".

Le trou du signifiant paternel fera retour avec ce DIEU qui peuple ses écrits.

Donc elle passe de DONNADIEU à donné à dieu en jouant elle-même sur ces homophonies.
 
 

DIEU, qui est présent dans chaque texte.

Peut- être avait elle lu le texte de KIERKEGAARD " die Krankheit zum Tode" ( la maladie mortelle) où l'on trouve l'obsession de la mort et en même temps comme fin à la douleur d'être mortel.

Kierkegaard prescrit le dépassement par la foi qui résout les contradictions.

Alors Dieu fait parti de l'univers textuel de DURAS même s'il s'agit d'affirmer sa disparition et le vide laissé.

" n'aimer que DIEU ce vide qui est plénitude".
 
 

" cette forme qui épouse la vôtre , qui serait à votre merci comme les femmes de religion le sont à dieu" ( La maladie de la mort -p 10 )
 
 

Dans "YEUX BLEUS CHEVEUX NOIRS " elle dit " son absence de désir de la femme est aussi terrible que de ne pas croire en DIEU"

DIEU est toujours à l'horizon comme totalité, sorte d'absolu apaisant toutes les tensions jusqu'à leur extinction dans la pulsion de mort.

Nous savons que l'alcool tiendra cette place également pour DURAS :

" L'alcool a rempli la fonction que Dieu n'a pas eue"
 
 
 
 

Dieu trouve des places diverses. Dans LOL V STEIN elle écrit :

" Lol ne pense plus à cet amour, jamais. Il est mort jusqu'à son odeur d'amour et LOL attend vainement qu'il la reprenne de son corps infirme de l'autre. Elle crie en vain. Puis un jour ce corps infirme remue dans le ventre de Dieu" (p 50)

Ce ventre de Dieu conjugue le digestif et le sexuel ; symbole d'une régression douillette.

Une rêverie utopique de fusion anime Duras jusque dans son impossibilité que constitue l'absence de désir de l'homme de la pièce.

Les hommes - pères dans ses pièces seront souvent absents. Leur absence occupe une place centrale. Ils quittent souvent la scène au début comme dans Nathalie Granger ce qui libère la parole des femmes.

Des pères symptômes, démissionnant à ce titre d'une identification.

Mais absence n'est pas forclusion. Duras n'est pas psychotique. LACAN dit " du père on peut s'en passer à condition de savoir s'en servir " ( le sinthome)

Cependant cette absence du père a entraîné la faillite maternelle avec cette énigme succédant à l'incertitude : " que veut la femme". "qu'est-ce qu'aimer une femme".

DURAS écrit : " Pour la mort, une seule complice la mère".

Alors maladie de la mort ou maladie de la mère ?

La mer-océan est omniprésente dans la pièce, derrière le mur là où l'homme va sur le balcon regarder.

Dans "LA VIE TRANQUILLE" elle écrit

" l'homme dormait dans le creux des rochers que bat la mer".

Il vit une régression quasi fœtale au creux de la mer, un silence du désir, une forme de mort.

Dans " INDIA SONG" Anne Marie STRETTER finit par s'abandonner à la noyade dans la mer. Il y a perte des limites au bord de la mère, au bord d'elle pourrait-on dire pour repenser au paiement, au contrat payé qui lie l'homme et la femme dans la pièce.

Rupture du barrage contre le pacifique. La mer engloutit. La métaphore paternelle est incapable de maintenir l'écart entre désir et jouissance.

Pour DURAS la mer est verte " les gens qui parlent du bleu de la mer me donnent envie de mourir"

Elle est verte comme la forêt-toison pubienne tête de méduse ou noire comme dans la pièce. Noire comme le continent noir freudien de la sexualité féminine.
 
 
 
 

LA MERE QUI BAT

Cette mer n'est pas si tranquille." dans le creux des rochers bat la mère ". Elle bat d'une pulsion meurtrière.

" la mer, elle est votre mort à vous, votre vieille gardienne" et aussi :

" nous ne sommes pas des gens à pouvoir supporter le fond de la mer. Mais personne ne le peut dit l'homme".

" L'homme dormait au creux des rochers que bat la mer "

Cette mère bat aussi l'enfant. C'est le passage à l'acte de la mère, du mal dit au mal faire.

Dans " L'AMANT quand la fille Suzanne reçoit un diamant de son amant, la mère est folle de rage :

" Elle s'était jetée sur elle et elle l'avait frappé avec les poings. De toute la force de son droit, de toute celle égale de son doute. En la battant, elle avait parlé de ses barrages, de la banque, de sa maladie, de la toiture, des leçons de piano, de sa vieillesse, de sa fatigue, de la mort..."

Donc la mère crie son manque qui passe par l'argent.

Dans la " MALADIE DE LA MORT" un homme paye une femme. Son désir est à marée basse comme sans amarre sous l'effet de cette mer qui bat derrière le mur.

Puis la mer devient noire " dans le noir, le cri fou des mouettes affamées".

En absence de père c'est une relation mère-enfant particulièrement ravageante.

Cette mère n'avait d'yeux que pour le frère aîné ( PIERRE), Stein dont elle couvrait les dettes de jeux et d'opiacés.

Duras dit que sa mère l'aimait comme son Valentin. Elle parle de ce frère comme " voile, noir sur le jour"

Devant sa mère, qui l'appelait " ma petite misère" la jeune Donnadieu n'a pu s'éprouver que comme celle en moins. Face à ce frère aîné, le petit frère décédé est en position de reste, d'objet perdu celui qu'aimait DURAS.

Sa solution a été de l'écrire cette mer.

Cela fait l'objet du titre d'un de ses derniers livres " la mer écrite".

C'est à mi-chemin entre sublimation réussie et amour absolu immergé dans la tentation océanique de l'écriture. Désir fou disait LACAN lorsqu'il est désarrimé du sujet.

Jouissance dans l'absolu de la mort.
 
 
 
 

La femme "toute" Anne Marie STRETTER voit son amant se tuer pour elle.

Duras en dit ceci : " C'est peut- être ma scène primitive, le jour où j'ai appris la mort du jeune homme. C'était la mère des petites filles de mon âge qui possédait ce corps doué de pouvoir de mort. Pour la première fois de ma vie j'entendais qu'on pouvait se tuer d'amour. "

Voilà qui soutiendra l'imaginaire durassien quand l'amour y est écrit comme noué à la jouissance du sexe et de la mort.

Pour qu'il se maintienne du désir, pour que la jouissance condescende au désir comme le formule LACAN, dans son séminaire "l'Angoisse ", il faut faire en sorte que cette jouissance soit barrée- perdue.

Alors cette maladie de la mort est peut être une sauvegarde du désir.

Une façon de maintenir du barrage contre la jouissance mortifère et incestueuse en rapport à cette mère phallique.

La mélancolie marquée par l'identification avec l'objet du deuil marque toutes les scènes d'amour.

Ce deuil impossible métamorphose les héroïnes en crypte hantée par un cadavre vivant qui traîne comme un fantôme dans les livres.

C'est ce que je ressentais devant l'actrice LUCIDA CHILD.

Mais il y a de la jouissance dans cette contemplation complice, voluptueuse, envoûtante de la mort en nous, de la permanence de la blessure.

Le vice-consul demandait par quelle voie, se prend une femme et Duras lui fait dire : par la tristesse.

A propos d'Anne marie STRETTER elle dit " j'ai entendu dire ça... son ciel ce sont les larmes".

Cette ambassadrice à CALCUTTA semble promener une mort ensevelie dans son corps pale et maigre.

" Elle donne le sentiment d'être prisonnière d'une douleur trop ancienne pour être encore pleurée".

Il y a recherche d'une fusion noyante avec la perte et l'impossible même.

L'abandon se retrouve partout
 
 

L'amant de la française de NEVERS meurt dans HIROSHIMA.

Michael RIDCHARSON délaisse publiquement LOL V STEIN

Elisabeth ALIONE a perdu son enfant mort- né comme c'est arrivé à MARGUERITE DURAS dans sa première grossesse.
 
 
 
 

Mais surtout c'est la mort du petit frère qui s'impose. Elle le nomme petit frère, façon de désigner son amant au VIETNAM alors qu'il avait deux ans de plus qu'elle.

" Cet amour insensé que je lui porte reste pour moi un insondable mystère. Je ne sais pourquoi je l'aimais à ce point là de vouloir mourir à sa mort. " ou encore " j'ai aussi perdu la douleur, elle était pour ainsi dire sans objet".

L'homme de la maladie de la mort est aussi un homme frère sans désir sexuel. Il semble habité d'un deuil inhérent qui rend leur passion physique morbide et distante.

C'est peut- être le deuil de l'impossible fusion désirée avec l'autre semblable.

LE FANTASME FONDAMENTAL

Quel est ce fantasme fondamental que l'écriture tente de sublimer?

Dans presque chacun de ces livres circule un fantasme de prostitution. Nous avons vu que dans la pièce c'est un contrat payé même si elle se défend de l'idée de prostitution.

C'est un contrat. Souvenons nous que Sade écrivait des contrats sorte de trame symbolique qui encadre le fantasme.

Cette écriture est appuyée sur l'incertitude de ce que c'est que d'être une femme.
 
 

Que veut une femme ? Et devant la vacance de réponse au lieu de l'Autre, l'absence de parole paternelle ou le mal dit de la mère quant à cette parole ; alors surgit le fantasme.

Elle trouve la solution du bordel (au bord - d'elle ) terme qui figure dans de nombreux textes.

Dans " LE BARRAGE CONTRE LE PACIFIQUE" la mère pense donner sa fille au bordel si les barrages sont emportés par la mer.

Nous avons là l'étrange rapprochement d'une mère qui confond ses désirs parentaux avec ceux de la jouissance forclose.

Duras dit que LOL V STEIN je cite est " esquintée comme une putain"

Quand elle écrit sur YANN ANDREA et la pièce, la maladie de la mort "elle trouve le titre suivant : LA PUTE DE LA COTE NORMANDE"

Elle raconte qu'elle aurait connu dès sa petite enfance des expériences sexuelles précoces avec un petit vietnamien. Elle expose le sans limite d'une jouissance inédite et d'autant plus interdite.
 
 
 
 

Sorte d'amour à la folie qui déborde.

Elle dit :" le ciel s'est écroulé et DIEU avec".

Quand l'AMANT offre une bague, condensé de la jouissance, la mère et la fille s'empressent de la vendre excitées de monnayer l'amour.

Cette insistance, la répétition de ce thème, est en rapport avec un fantasme de prostitution qui jalonne les écrits.

Dans un tel fantasme, le sujet s'imagine comme complet, livré à une jouissance de chair, désolidarisé du signifiant, libéré de la conflictualité du désir, déchargé de la voie phallique.

Dans " Le Boa" elle dit " le grand espoir que je fondais sur le bordel, anonymat sacré " exit du nom du père.

C'est en rapport avec l'échec de l'homme, du père à contenir dans le registre phallique l'inquiétante étrangeté, l'Umheimlich féminin.

Le chinois, l'amant est riche de cette bague.

Il détient l'objet, le phallus manquant de la mère. Elle accepte ce contrat payé: sa fille contre la bague.

Et le fantasme devient, mis en formule comme FREUD le soulignait avec " un enfant est battu " ; ici, nous pourrions écrire : " on vend une enfant" ou " une enfant est vendue par sa mère.

Il est donné à DIEU dans l'idée d'une jouissance absolue.

Comme dans tout fantasme ? il se produit une désubjectivation le "je " disparaît au profit du " on ".

Plus de "je", mort du sujet qui laisse libre cours à la jouissance maternelle devenue phallique.

LACAN dit du fantasme qu’il ce " par quoi le sujet se soutient au niveau de son désir évanouissant, évanouissant pour autant que la satisfaction même de la demande lui dérobe son objet " ( La Direction de la Cure dans les Ecrits p 637).

Normalement, le désir doit contenir et humaniser la jouissance en lui faisant barrière ou barrage pour reprendre ce mot titre.

Le signifiant doit refouler, condition de l'œdipe qui interdit la jouissance absolue. Ainsi est possible le désir qui est justement de ne pas dire "tout".

Pourtant Duras est fasciné par ce "tout" dont elle fait le titre de son dernier livre

" c'est tout ".

La jouissance est liée à la possession du grand Autre primordial, la mère. Chez Duras elle est non marquée du sceau paternel et de la castration.

Mirage aussi de l'inceste, ultime version de l'amour absolu dissocié de la loi forclose et rabattue sur une jouissance létale.

L'homme enfant, l'homme vierge de LAHORE le vice-consul homme sans désir, l'homosexuel, ces hommes seraient séduits par une mère phallique incestueuse. Dans le rôle de l'homme enfant nous pouvons imaginer le petit frère aimé, disparu.

Dans LA MUSICA elle écrit : " Il fait peur comme la foudre la vérité, la passion ; tandis que l'on aime comme un enfant, son frère, son amant. "
 
 

POSITION PERVERSE

Il y a chez DURAS une position perverse. Une désintrication qui amène à imaginer procurer la jouissance sans passer par le désir, la marque du grand Autre.

C'est ce qui amène ses héroïnes à aspirer à l'amour confondu avec ce qu'on appelle " La Chose", l'objet définitivement perdu, le souverain bien, ce qui est innommable.

Mais l'objet final sera toujours manquant.

Alors dans ce rapproché que DURAS fait entre désir et jouissance, elle rabat l'impossible de cette jouissance sur la notion de désir impossible d'où cette quête durassienne qui n'en finit pas.

Ce serait cette absence de castration, cette incapacité à accepter le manque, le manque de l'objet comblant qui serait l'expression de la maladie de la mort, mais alors celle de DURAS. `

Maladie du manque à être et du " pas ça" d'où la quête durassienne qui n'en finit pas.

Ce n'est jamais ça. Amour condamné, leitmotiv durassien et à l'horizon une jouissance impossible qui désigne l'amour comme promesse de transgression.

Dans "LA MALADIE DE LA MORT" le fantasme comme nous l'avons vu fait disparaître le "je" avec ce désir rabattu sur une jouissance du corps.

L'homme ne rencontre que le miroir de son néant( né- en la mère). incarné par le sexe de la femme.

Nous retrouvons l'idée de contrat payé dans "LES YEUX BLEUS CHEVEUX NOIRS" : " Il fallait payer les femmes pour qu'elles empêchent les hommes de mourir, de devenir fous".
 
 

"Au jeu de la mourre tu te perds " dit LACAN dans son hommage à DURAS. Il écrit mourre en un seul mot en homophonie à mort.

C'est la maladie de la mort quand le désir n'est pas le barrage, la défense d'outrepasser la limite de la jouissance.
 
 

VERS UNE SUBLIMATION

Cette écriture vise à combiner la préservation de la perte et la tentative de l'approcher et de la dire cette perte.

C'est un projet perpétuel, condamné à écrire dit DURAS pour un dépassement de ce fantasme fondamental.

Un auteur dit à son sujet qu'elle est " à mi- chemin entre la névrose et la grâce, entre le cloître et l'asile, entre la folie et l'hystérie.

La proximité de la folie se retrouve chez toutes ces héroïnes
 
 

LOl V STEIN " pas tout à fait là " un certain oubli d'elle-même"

elle est la proie je cite " d'une totalité inaccessible qui échappe à tout entendement qui ne cède à rien qu'à la folie "

DURAS dit d'elle-même " je n'ai rien fait que d'attendre devant la porte fermée".

Par l'écrit, interdit par la mère,  elle a trouvé un pousse à la sublimation avec des mots qui tournent autour de " LA CHOSE" que FREUD situe comme proche des processus primaires de l'inconscient et de la jouissance.
 
 

Duras a gardé sa position douloureuse enclave de jouissance, jouissance AUTRE tout en faisant un peu crédit à la jouissance phallique bien nommée par LACAN de suppléance, avatar d'une fonction paternelle défaillante.

Pour conclure les vers de TUDAL rapportés par LACAN dans le savoir du psychanalyste

" Entre l'homme et la femme, il y a l'amour

Entre l'homme et l'amour il y a un monde

Entre l'homme et le monde il y a un mur"
 
 


BIBLIOGRAPHIE

Œuvres de Marguerite DURAS

Un barrage contre le Pacifique (1950 )

Le Boa (1954 )

Moderato Cantabile (1958 )

Hiroshima mon Amour (1960 )

Le ravissement de Lol V. Stein (1964 )

Le vice-consul (1965 )

India Song (1975 )

L'homme assis dans le couloir (1980 )

La maladie de la Mort (1982 )

L'amant (1984 )

Les yeux bleus cheveux noirs (1986 )

Ecrire (1993 )

C'est tout (1995 )

Œuvres sur Marguerite Duras

ALAZET Bernard - Le navire night - Ecrire l'effacement P.U. de LILLE

ALLEINS Madeleine - Marguerite DURAS médium du réel - L'Age d'Homme.

ARMEL Aliette - Marguerite DURAS et l'autobiographie - Le Castor Astral.

BLANCHOT Maurice - La communauté inavouable - Minuit.

BLOT- LABARRERE Christiane - Marguerite DURAS - Seuil.

BORGOMANO Madeleine - Duras une lecture des fantasmes - Cistre Essais

BRAUNSTEIN Nestor - La Jouissance - Un concept lacanien. Point Hors Ligne

DAVID Michel - Marguerite DURAS une écriture de la jouissance - Desclée de Brouwer.

KRISTEVA Julia - Soleil Noir Dépression et Mélancolie - Gallimard. (La maladie de la douleur).

LACAN Jacques - Hommage fait à Marguerite DURAS - Ed. ALBATROS.

NASIO Juan David - L’Hystérie ou l’enfant magnifique de la Psychanalyse - Rivage, Enseignement des 7 concepts cruciaux de la Psychanalyse -Rivages.