Nous allons nous aussi prendre
quelques libertés à l'égard de ce "nœud borroméen
européen", et l'appliquer aux destins pris en Argentine par ces
grandes inventions européennes. Et nous verrons quelles disgressions
cela va nous permettre d'introduire à l'égard de la problématique
du rôle du sport dans la réhabilitation psychosociale en psychiatrie.
La Vieille Europe de Hegel
s'enracine en Argentine au XIXème siècle, sur une terre où
cohabitent en quête d'un nouveau lien social collectif des autochtones
avec des immigrants de différentes nationalités. Cet enracinement
a donné lieu à des transformations, changements, et croisements
entre les différentes attitudes existentielles établies par
Hegel. Les diverses inventions européennes que nous allons traiter
- le football, la psychiatrie, la psychanalyse et le rugby -, ce sont déplacés
à l'intérieur du nœud dans le processus de devenir argentines.
LE
FOOTBALL
Commençons rapidement
par le football, car c'est un sujet bien connu. A son arrivée en
Argentine, le football est Anglais. Ce sont les ouvriers anglo-saxons qui
construisent les chemins de fer qui l'ont introduit. Cet héritage
est palpable encore aujourd'hui dans les noms des grands clubs : River
Plate,
Boca Juniors, Newell's Old Boys, etc. Populaire
dès ses origines, le football a été très vite
nationalisé et il s'est rajouté une touche italienne, liée
au raz de marée migratoire en provenance de la péninsule.
LA
PSYCHIATRIE
Passons maintenant à
la psychiatrie, car elle montre aussi une transformation à travers
le nœud hégélien et ses influences. A son arrivée
en Argentine, elle était décidément française.
La première thèse de psychiatrie publiée en Argentine,
la "Dissertation sur la manie aiguë" de Diego Alcorta en 1827,
fait la part belle au Traité médico-philosophique sur
l'aliénation ou la manie de Philippe Pinel. Vers la fin du XIXème
siècle, la notion de traitement moral de la folie fut invoquée
pour le grand mouvement de construction d'asiles commencé par Domingo
Cabred, (mais en fait celui-ci s'inspirait de manière plus pragmatique
de la notion d'open-door de l'écossais Connoly). Très
souvent, les pavillons de ces asiles portaient les noms des grands aliénistes
français. Au XXème siècle avec l'œuvre du psychiatre
argentin Enrique Pichon-Rivière et quelques autres, la psychiatrie
française a gardé toujours une influence marquée.
Le Manuel de Psychiatrie de Henri Ey a été pendant
quelques décennies la base et la référence dans la
formation des psychiatres argentins. Des nos jours, un déplacement
sensible se fait voir et la psychiatrie française cède du
terrain à grand pas face au pragmatisme anglo-saxon et ses DSM.
Mais sans doutes, l'Argentine n'est pas seule dans ce mouvement.
LA
PSYCHANALYSE
En ce qui concerne la psychanalyse
en Argentine, nous avons constaté une transformation inverse. Très
anglo-saxonne à ses débuts, l'Argentine a été,
en dehors de la Grande Bretagne, un des premiers pays à sentir et
épouser l'influence de la pensée kleinienne dans la psychanalyse
mondiale. La "dame aux chapeaux" a failli se rendre en Argentine dans les
années 1950, mais une querelle avec Paula Heinman, à laquelle
était mêlé le psychanalyste argentin Heinrich Racker
et sa notion de "contretransfert", l'a fait abandonner ce projet. Cela
a été l'occasion manqué d'une rencontre entre la personne
de Mélanie Klein et le florissant mouvement argentin. On peut lire
dans les textes autobiographiques du psychanalyte argentin Emilio Rodrigué
un témoignage de cette période anglophile de la psychanalyse
argentine. Déjà Freud avait décliné l'invitation
faite par l'intelligentsia argentine d'en faire sa terre d'exil, lui préférant
l'Angleterre, moins lointaine et un peu moins exotique.
La turbulence politique des
années '70 a vu devenir la psychanalyse argentine passionnément
française. C'est le moment d'expansion de la pensée lacanienne
associée aux autres théories des penseurs structuralistes
français : Althusser, Foucault, etc. Lacan non plus n'est jamais
venu en Argentine, on a dit à cause de la dictature militaire. Mais
il a rencontré une foule de psychanalystes argentins déjà
acquis à sa cause en 1977 à Caracas. L'essor qu'a pris sa
pensée est tel que le gendre de Lacan en personne, Jacques Alain
Miller, disait il n'y pas très longtemps que l'Argentine était
la capitale mondiale du lacanisme.
LE
RUGBY
Nous arrivons maintenant
à l'invention européenne qui nous réunit aujourd'hui
: le rugby. Comment les diverses influences dont nous parlons se sont fait
sentir dans le rugby? Il est amusant de noter que les déplacements
et les transformations du nœud hégélien dans la psychanalyse
et le rugby sont identiques : de l'anglophilie vers la francophilie. En
Argentine, le rugby est né sans conteste anglo-saxon. Le premier
match joué en Argentine eut lieu au Buenos Aires Cricket Club
en 1873, mais seulement 24 joueurs anglais furent de la partie. Quelques
semaines plus tard eut lieu un deuxième match qui opposait, cette
fois-ci, deux équipes de 15 joueurs : "l'Angleterre" et "Le monde".
Le premier était intégré par des officiers de la Royal
Army et des résidents britanniques. "Le monde", regroupait des
écossais, irlandais, gallois et quelques argentins d'ascendance
britannique. Longtemps le style du rugby en Argentine en fut marqué
: un rugby de campus, de classes aisées, de médecins, architectes
et autres cadres supérieurs.
Cependant le rugby, comme
la psychanalyse, est devenu de plus en plus francophile. Avec la création
des Pumas dans les années '60, le rugby tend à se populariser
en Argentine et change un peu son visage. Les liens avec la France se resserrent
et des nombreux test-match ont lieu entre les deux équipes. Avançons
comme démonstration du déplacement français du rugby
argentin le fait que la dernière équipe championne de France,
le Stade Français de Paris, comptait parmi ses joueurs pas moins
de six internationaux argentins. Lors de cette finale qui opposait le Stade
Français à l'équipe de Perpignan, les deux buteurs
se prénommaient Diego - prénom si cher cœurs sportifs argentins
-, et venaient de Córdoba, comme le journal Le Monde l'avait remarqué
dans son édition du 26 juin 2004.
Le quotidien argentin La
Voz del Interior titrait en septembre 2004 : "Invasion en France",
car pas moins de 36 joueurs argentins intègrent les équipes
du Top-16. La France est devenue la terre d'exil par excellence des joueurs
argentins de talent. La moitié des joueurs du XV des Pumas jouent
actuellement dans le championnat français. Cela doit être
certainement pour quelque chose dans l'impressionnante série de
5 victoires consécutives que les Pumas affichent face aux français.
La dernière victoire française date de 1999, mais malheureusement
pour les argentins, c'était celle qui comptait car c'était
pour les quart de finale du championnat du monde.
LA
BAJADITA
C'est justement dans le rugby
que nous allons retrouver quelque chose qui a résisté à
ces transformations, torsions et déplacements du nœud hégélien
: la bajadita. Un exemple de l'antagonisme entre les villes et la
pampa,
la civilisation et la barbarie, le créolisme de Borges et Marechal
et dont le rugby argentin tire son essence, selon le journaliste Christian
Kazandjian. C'est typiquement ce que les argentins appellent la "picardía
criolla", la "malice créole". Nous pourrions pousser plus loin notre
raisonnement et y voir dans ce noyau un réel qui résiste
à l'ordre de la symbolisation, au pouvoir de transformation de l'ordre
symbolique, à la mortification que le symbolique impose à
la substance vivante. Nous allons venir tout de suite à cette idée
de résistance.
De quoi s'agit-il? Selon
le journaliste Jacques Verdier, il s'agit d'un détail de la mêlée
: le pilier gauche néglige d'adopter la position traditionnelle
pour positionner ses pieds de manière parallèle. En même
temps son épaule adopte un position particulière, position
qui favorise la poussée axiale. Ces appuis révolutionnaires
ont fait la réputation des Pumas. Après un match en 1974,
l'ancien international français Joseph Desclaux déclarait:
"Aujourd’hui, on a appris que la meilleure attaque de trois-quarts peut
se briser sur une grosse mêlée.
LA
RESISTANCE
Nous voulons voir dans ce
noyau de résistance que le rugby a laissé émerger,
le pouvoir de réhabilitation du sport, la capacité de restaurer
un lien social, un lien social marqué par le partage et la solidarité.
Et nous voulons donner tout son poids à ce mot résistance
en l'opposant à celui en vogue de résilience, sorte
de qualitas occulta individuelle et a-subjective, plus prompte à
répondre à l'impératif just do it!, alors que
la résistance, au contraire, est une idée collective, qui
a fait ses preuves.
N'allons pas chercher très
loin. La plus grande crise économique et sociale de l'Argentine
eut lieu dans les années 2001-2002. Le philosophe français
Alain Badiou, invité en 2003 par les ambassades de France et Allemagne
à Buenos Aires pour donnes une conférence sur "La nécessité
de la fusion de l'Allemagne et de la France", cadre insolite qui nous ramène
sans cesse à notre nœud hégélien et sa destinée
en Argentine, disait que les gens, au moment même où le pays
s'est trouvé au bord de l'effondrement :
"ont montré [...]
que même dans la crise la plus terrible, dans la souffrance la plus
difficile, ils n'abandonnent aucunement la création et la pensée.
Il y a ici, je le constate, un désir de résistance spirituelle".
La rencontre de cette crise
et de ce désir de résistance a trouvé aussi, parmi
de nouvelles formes de liens de solidarité sociale, son expression
dans le sport. Ainsi, l'Argentine raflait aux olympiades d'Athènes
2004 les médailles d'or en football et en basket, et presque toutes
les équipes de sport collectif ont eu des parcours brillants. L'ensemble
des commentateurs sportifs n'ont pas manqué de faire le lien avec
la crise économique, comme une manière de réparer
la subjectivité collective dévastée, selon l'expression
de la psychanalyste argentine Silvia Bleichmar.
PICHON-RIVIERE
A L'ASILE
Une première rencontre
entre le sport, ce désir de résistance et la réhabilitation
en psychiatrie avait eut lieu dans les années '30. Lorsque Enrique
Pichon-Rivière arrive, deux ans avant d'être reçu médecin,
à l'Asilo de Torres, établissement réservé
aux oligophrènes selon la nosologie de l'époque. Il y trouve
près de 3500 patients plus ou moins laissés à l'abandon
et livrés seulement à l'asile en tant que lieu de relégation
et d'exclusion. Bien des années après il confie son expérience
de l'époque :
"Se présente à
moi l'impérieuse nécessité de créer, car il
n'y avait rien. Ainsi, par exemple, j'essaie par les moyens de la récréation
une ré-socialisation. De là surgit toute la question du sport
et l'équipe de football comme une thérapie groupale dynamique".
Il avait constaté que
ces personnes laissées au désert solitaire de l'abandon,
retrouvaient des nouvelles sources pour récréer un lien social.
Cette expérience l'a conduit à remanier les diagnostic et
à inventer une nouvelle catégorie clinique, l'oligothymie,
moins fataliste, ouvrant ainsi un espoir évolutif dans cette population
asilarisé.
Oligothymie : un manque de thymos, terme
qui désigne
le désir pour Héraclite, la
fougue pour Homère, et le courage pour Platon. C'est
ce thymos que le travail d'équipe, de groupe, permettait
de mobiliser. Pour la petite anecdote rappelons que lors de circonstances
politiques défavorables qui l'ont laissé sans infirmiers,
Pichon-Rivière réinventait son expérience en créant
des groupes de patients capables d'accomplir des tâches d'infirmerie
auprès des autres, expérience qui ne marchait pas si mal
mais qui eu la vie courte à cause des mêmes circonstances
politiques défavorables, mais maintenant agissant en sens contraire
La passion de Pichon-Rivière
pour le football était inscrite en lui avant son arrivée
à l'asile de Torres, car il avait déjà crée
dans le village de son enfance une équipe de football. Et il a répété
cette expérience thérapeutique de créer des équipes
de football tout au long de sa pratique institutionnelle dans les hôpitaux
psychiatriques : "La stratégie de l'équipe de football est
ma tâche prioritaire", disait-il. Eduardo Galeano, poète uruguayen,
nous raconte cette expérience en y ajoutant l'anecdote amusante
et révélatrice aussi du désir du thérapeute
: il paraît que son équipe était imbattable. Pichon-Rivière
officiait d'entraîneur et il se réservait aussi la place d'avant
centre, s'illustrant ainsi comme le buteur de l'équipe...
LE
FOOTBALL ET LA THEORIE DU LIEN
Il sont nombreux à
voir dans cette expérience de groupe avec les équipes de
football et la folie, le terreau sur lequel Pichon-Rivière va bâtir
sa
théorie du lien et la psychologie sociale qui le
rendrait célèbre dans les cercles psychiatriques des années
'70.
Lors d'une de ses rencontres
avec Jacques Lacan, en 1969, celui-ci lui demande : "Pourquoi psychologie
sociale? Pourquoi pas psychanalyse?" Pour Pichon-Rivière, là
se condensait les différences entre la notion de sujet relationnel
de Freud et Lacan, et sa conception d'un sujet agent, producteur, protagoniste
de l'histoire.
Nous n'allons pas rentrer
dans la délicate dialectique qu'il établit entre le lien
interne et le lien externe. Simplement nous voulons rappeler
qu'ils sont irréductibles l'un à l'autre. Et que la spécificité
de la relégation en psychiatrie, tient à ce que les deux
liens sont perturbés. Ceci permet de marquer sa différence
avec la relégation sociale. Ce terme de relégation a été
réintroduit récemment en psychiatrie par Thierry Trémine
: étymologiquement veut dire écarter d'un lieu. C'est
un terme qui provient du droit français en 1885.
Ces considérations
ont leur intérêt car, si l'entreprise de réhabilitation
du sujet souffrant d'un trouble psychiatrique ne tient compte que du lien
externe, elle rate sa spécificité, et peut se contenter d'un
simple rétablissement d'un semblant de lien par le biais d'une réinsertion
de la personne dans l'appareil productif, ou encore tout autre groupe.
Inversement, si le lien interne constitue son seul souci, la relégation
sociale restera intacte la plupart du temps. Finalement, si la psychiatrie
confond le désarroi produit par la perturbation du lien externe,
avec la perturbation du lien interne, elle se pourrait se fourvoyer dans
des expériences de gestion de la souffrance de la civilisation (human
engineering), dont parfois le déplacement de la psychiatrie
vers la santé mentale nous donne le vertige.
Dans le modèle de
Pichon-Rivière, l'individu n'est pas un être isolé,
mais un être inscrit dans un groupe, et puis ce groupe est inscrit
au sein de la société dans laquelle il s'insère. Son
modèle cherche à intégrer la psychologie du comportement
à la psychologie phénoménologique existentielle en
dégageant un champ d'interactions entre l'individu et le milieu
où trois aires se distinguent : la psyché, le corps et le
monde extérieur. Nous voyons très vite de quelle manière
son expérience avec le sport l'a inspiré dans ses élaborations.
Ce sont ces idées qu'il a mis en route à tous les niveaux
de ses interventions à l'hôpital. Dans ses dernières
années encore, lorsqu'il parlait de la dynamique du groupe, c'est
à la métaphore d'une équipe de football à laquelle
qu'il revenait pour mieux illustrer ces interactions. Comme il le disait
lui-même, c'est parce qu'il pratiquait le football dès son
enfance, une jeu sportif social, que ces idées lui sont venues à
l'esprit. Voilà l'histoire qui a noué en Argentine la première
théorisation d'une psychiatrie sociale et la réhabilitation
thérapeutique par le sport, en quelque sorte avant la lettre.
LA
CHIMERE DES HEROS
Pour finir, nous voulons
évoquer ici un dernier avatar du nœud hégélien, une
histoire extraordinaire comme seulement le baroque latino-américain
peut la produire. Elle noue encore une fois le sport - cette fois-ci le
rugby -, le désir de résistance, la relégation, et
la ré-appropriation suis generis de la vieille Europe.
Cette histoire a fait l'objet
d'un film documentaire, La chimère des héros, capable
de désarçonner toute pensée politiquement correcte
et qui a fait d'ailleurs quelques remues lors de sa programmation sur France
2. Mais laissons ces aspects de côté.
Le protagoniste du documentaire
est Eduardo Rossi, dit "Loco Rossi", Rossi-le-fou, le prototype de l'activiste
de l'extrême droite argentine : militariste, antisémite et
foncièrement raciste. Joueur de rugby, il arrive en France dans
les années '80 et joue au Stade Toulousain et avec les Barbarians.
Assez spontané et sans retenue, il ne se prive pas de vanter la
dictature militaire argentine et ses sympathies pour Franco et Hitler.
Il raconte alors que ses camarades l'ont accompagné pour rendre
visite aux camps de concentration et aux musées consacrés
aux désastres de la deuxième guerre mondiale. A Toulouse
il s'affronte à l'équipe de Fidji et les maories, rencontre
les australiens et des équipes qui se composent d'aborigènes
et de blancs.
Ce qui précipite sa
transformation est la mort de son père qui le fait rentrer en Argentine
en 1991. Il se dirige directement à Formosa, la province la plus
pauvre de l'Argentine, peuplée en grande partie par les Tobas et
fonde ce qui a été la première équipe de rugby
intégrée par des indiens en Amérique Latine. Il se
définit comme un lutteur social, un éducateur à travers
le sport et se propose de "sauver les indigènes et les sortir de
leur situation sociale difficile".
Son équipe est formée
par des paysans bûcherons de l'Impénétrable, des fabriquants
de briques, des sans emploi. Assez rapidement il obtient quelques résultats
sportifs, se fait remarquer, et obtient un match contre les espoirs des
Pumas, et puis fait une tournée en Nouvelle Zélande où
il redécouvre des équipes métissées. Aujourd'hui
son équipe est composée d'un tiers de blancs : "le rugby
est là pour unir les hommes", dit-il dans la veine de la discrimination
positive. Son salaire est payé en partie par le gouvernement provincial
et en partie par l'Université, qui s'intéressent à
son expérience sociale.
En citant Simone de Beauvoir,
il reconnaît ses errances dans le passée. Mais ce personnage
sans pareil a fondé un musée de la deuxième guerre
mondiale dans ce coin isolé du monde : un camion de guerre russe,
des casques, un moteur d'avion... Il aime toujours la mentalité
militaire allemande, l'ordre, la discipline, "mais l'idéologie est
une autre chose".
Nous regrettons que dans
les documents que nous avons à disposition, seule la rédemption
de Eduardo Rossi soit l'objet d'intérêt. Les Tobas sont restés
silencieux dans La Chimère des Héros ou dans les différents
interviews et reportages consacrés au sujet.
CONCLUSION
Après le parcours
que nous avons souhaité évoquer avec vous, nous pensons que
la potentialité du sport pour la réhabilitation n'est certainement
pas suffisamment exploitée.
"Mettre en place des systèmes
collectifs, et en même temps préserver la dimension de la
singularité de chacun",
ces paroles qui auraient pu
être prononcés hier par Daniel Herrero, appartiennent en fait
à Jean Oury ("Le collectif") qui définissait ainsi l'essentiel
du programme de la psychothérapie institutionnelle. L'exemple argentin
de Pichon-Rivière et le football nous montre sans conteste la valeur
thérapeutique du sport dans la pathologie psychiatrique la plus
difficile. Prêtant un peu plus à discussion et sortant du
champ de la psychiatrie proprement dite, l'exemple de Eduardo Rossi nous
aide à imaginer que des valeurs propres au sports collectifs, et
dans son cas plus particulièrement au rugby : discipline, solidarité,
peuvent aussi être mis au service d'un projet d'émancipation
que ce soit de la relégation sociale ou de la souffrance psychiatrique.
Pour revenir à notre
point de départ, appelons encore une fois à notre rescousse
à Hegel pour le mot de la fin. Dans les cours qu'il dictait lorsqu'il
dirigeait le Gymnasium de Nuremberg, le vieil européen, alors
jeune, a voulu asseoir la liberté de l'esprit sur la contrainte
de l'exercice, souligner le pouvoir formateur de la discipline et l'exercice
pour une activité spirituelle authentiquement autonome. De quoi
le rendre encore plus proche de ce qui nous a réuni aujourd'hui.
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